Eternel Jean-Claude Dusse dans « Les Bronzés », acteur majeur du cinéma comique dans les années 80 avant de s’orienter vers des rôles dramatiques et une carrière de réalisateur, Michel Blanc est mort à 72 ans, dans la nuit de jeudi à vendredi, suscitant un torrent de réactions.
L’acteur, qui se voyait comme un « clown angoissé », a eu un malaise cardiaque et a été transporté dans un hôpital parisien où il est décédé, a indiqué son entourage à l’AFP.
« Putain, Michel… Qu’est-ce que tu nous as fait… », a réagi sur Instagram Gérard Jugnot, son complice de la troupe comique du Splendid. Sur RTL, ce dernier a évoqué « un choc anaphylactique, une allergie à un médicament » après un examen médical de routine, ce qu’a confirmé l’entourage de Michel Blanc à l’AFP.
Sollicité par l’AFP, le parquet de Paris a indiqué vendredi en milieu d’après-midi ne pas être saisi de ces faits.
« Michel mon pote, mon frère, mon partenaire », a commenté Josiane Balasko, elle aussi membre de cette troupe de café-théâtre qui les guida vers le succès avec « les Bronzés », faisant entrer dans la légende le personnage de Jean-Claude Dusse, ses « malentendus » et ses plans drague boiteux.
« D’une seule voix », l’ensemble des ex-comédiens du Splendid, dont Christian Clavier et Thierry Lhermitte, ont exprimé leur « douleur immense », remercié « chaleureusement des témoignages de soutien et d’amitié » et appelé à « respecter (leur) silence ».
Josiane Balasko à Chalet-Saint-Denis (Suisse) et Marie-Anne Chazel, autre membre de la troupe, à Paris, ont chacune dédié à leur ami la pièce dans laquelle elles jouaient vendredi soir, a-t-on appris auprès de leurs entourages.
Devant le théâtre du Splendid, des Français témoignaient de leur « tristesse ». « Il était drôle et en même temps émouvant », selon Isabelle, 60 ans, qui appréciait son « côté discret aussi ».
Le chef de l’Etat Emmanuel Macron a évoqué la perte d’un « monument du cinéma français », tandis que le Premier ministre Michel Barnier a estimé qu’« on (avait) tous un peu de Michel Blanc en nous ».
Casser son image
Issu d’une famille modeste, Michel Blanc a longtemps incarné au cinéma l’archétype du loser, chauve maigrichon et moustachu aussi exaspérant qu’attachant, notamment dans « Marche à l’ombre » (1984), qu’il avait réalisé.
« À l’époque, on a écrit des personnages qui étaient assez proches de nous. Jean-Claude Dusse, c’était clairement pour moi », avait-il raconté à Paris Match au printemps.
Soucieux de casser cette image, il s’est éclipsé le premier du Splendid pour prendre d’autres chemins, plus graves et tortueux. « Ce n’était pas contre mes potes. Je me demandais: +est-ce que j’existe ou est-ce que je suis 1/7e du Splendid ?+ », s’était-il justifié.
Il avait alors osé des rôles dramatiques comme celui du travesti Antoine dans « Tenue de soirée » (1986) de Bertrand Blier ou de l’inquiétant « Monsieur Hire » (1989) de Patrice Leconte, d’après un livre de Georges Simenon, explorant ainsi sa nature profonde.
« C’était quelqu’un de très très angoissé, très, très tourmenté mais terriblement drôle », a également dit Gérard Jugnot.
Plus tard, il incarnera un directeur de cabinet ministériel froid et méthodique dans « L’Exercice de l’Etat », qui lui valut un César en 2012.
« C’est un type de rôle dont je rêvais mais je n’étais pas sûr que vous m’acceptiez dans ce rôle-là, que le public m’accepte dans ces rôles-là », avait-il déclaré, ému, au moment de recevoir son prix.
Rediffusion
Bosseur, perfectionniste, Michel Blanc savait utiliser ses complexes et son talent d’écriture pour explorer le désenchantement et façonner les personnages de ses films, notamment « Grosse Fatigue » (1994), sur les affres de la célébrité, et la comédie acerbe « Embrassez qui vous voudrez » (2002), qu’il a réalisés.
France 2 notamment a rediffusé vendredi en première partie de soirée « Je vous trouve très beau », succès surprise où l’acteur incarne un agriculteur veuf en quête d’épouse, et France 3 diffusera lundi soir « Grosse fatigue ».
Pour son dernier rôle, Michel Blanc avait encore opté pour un registre grave: « La Cache », adaptation du roman de Christophe Boltanski sur le trauma d’une famille juive contrainte à la clandestinité pour échapper aux nazis, doit sortir en 2025.
Selon Patrice Leconte, c’était « un type très original, extrêmement singulier, assez secret ».
Dans un entretien à Télérama, lui-même ne cachait pas sa part d’ombre. « Je ne suis pas du tout un clown triste mais un clown angoissé », disait-il, ajoutant « mais qui n’est pas angoissé ? C’est quoi la condition humaine ? Ne pas savoir pourquoi on est là, ne pas savoir comment on va mourir ».
@Avec l’AFP