En proie à des coupures d’électricité à la suite de frappes russes contre ses infrastructures énergétiques, l’Ukraine dépend en partie de ses voisins d’Europe centrale pour continuer à s’éclairer.
Ces dernières semaines, ce pays en guerre a connu des restrictions et des interruptions d’alimentation en courant en raison d’attaques russes encore plus intenses.
Selon l’analyste Maciej Bukowski, cité par le Center for European Policy analysis, siégeant aux États-Unis, cela « érode les capacités défensives de l’Ukraine et menace directement sa sécurité« .
« Les infrastructures essentielles sont paralysées, ce qui réduit la résilience civile et économique« , précise-t-il.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait à cet égard souligné en juin que la Russie ciblait ce secteur.
Celle-ci nie que ses forces visent les installations civiles mais son ministère de la Défense a revendiqué des attaques contre des sites énergétiques qui, selon lui, soutiennent l’armée ukrainienne.
Selon le groupe de réflexion Green Deal Ukraine, l’Ukraine a produit 96.800 gigawattheures (GWh) d’électricité en 2023, contre 103.800 GWh un an plus tôt.
En 2021, avant l’invasion, elle avait produit près de 158.000 GWh d’électricité, selon l’Agence internationale de l’énergie.
Connexion au réseau européen
L’Ukraine s’est connectée au réseau électrique européen juste avant le début de l’invasion russe en février 2022, au bout de cinq ans de préparatifs.
Elle prévoyait initialement de procéder à un test rapide de ce système et s’était alors provisoirement déconnectée du réseau russe pour finalement ne plus jamais s’y reconnecter en raison du déclenchement du conflit par Moscou.
En revanche, ce pays a rejoint le réseau occidental à une vitesse record, Kadri Simson, alors commissaire européen à l’Energie, saluant « un an de travail fait en deux semaines ».
Ses importations d’électricité en provenance de ses voisins, la Hongrie, la Moldavie, la Pologne, la Roumanie et la Slovaquie, n’ont cessé d’augmenter à mesure que les attaques russes contre son réseau électrique s’intensifiaient.
En juin, elles se sont élevées à 858,3 GWh, en hausse de 91% comparé à mai, a déclaré la société de conseil ExPro, dont le siège est à Kiev.
La Hongrie a à elle seule assuré en juin près de 42% de ce volume.
L’opérateur slovaque SEPS a dit à l’AFP qu’il avait fait passer ses exportations d’électricité vers l’Ukraine de 2,6 GWh en 2023 à près de 40 GWh pour la période janvier-mai de cette année.
La Hongrie et la Slovaquie ont pourtant refusé de fournir une aide militaire à l’Ukraine car elles entretiennent des relations amicales avec la Russie.
Les importations de courant reposant sur des accords bilatéraux ont permis à l’Ukraine de limiter les coupures à certaines heures de la journée.
Celle-ci reçoit aussi une aide financière substantielle et des équipements de la part de ses alliés.
L’Allemagne a ainsi fourni depuis février 2022 plus de 450 millions de dollars au secteur énergétique ukrainien, finançant des réparations d’infrastructures et le passage à une énergie plus verte.
Son agence de développement, la GIZ, sert de conseil aux autorités ukrainiennes sur les économies et la résilience et envoie du matériel.
« Plus d’un demi-million de personnes en Ukraine en bénéficient« , a assuré à l’AFP une porte-parole de la GIZ.
« Problème européen«
La République tchèque a expédié en Ukraine des dizaines d’unités produisant de l’électricité et de la chaleur à partir du gaz.
Ces unités de la taille d’un conteneur, qui viennent en aide aux écoles, aux hôpitaux, aux centres commerciaux et aux ménages, sont mobiles et donc difficiles à atteindre avec des roquettes.
Leur livraison a été financée par des institutions internationales, dont US Aid, qui a accordé près d’un milliard de dollars au secteur énergétique ukrainien depuis le début de l’invasion.
Le ministère autrichien de la Protection du climat gère un fonds de plusieurs millions d’euros destiné à aider l’Ukraine à reconstruire son système énergétique et à acheter des équipements.
La Bulgarie est en pourparlers avec l’Ukraine pour lui vendre à prix réduit deux réacteurs nucléaires de fabrication russe.
D’autres pays européens, dont les Pays-Bas, la Pologne et la Suède, ont également envoyé du matériel à l’Ukraine, tandis que la Norvège lui a apporté un soutien financier substantiel.
À la fin de l’année dernière, la Banque mondiale a évalué à 12 milliards de dollars les dommages subis par le secteur énergétique ukrainien, bien avant que la Russie n’intensifie ses attaques contre les infrastructures au printemps dernier.
« Les bombes russes qui tombent sur les centrales électriques et les oléoducs ukrainiens sont aussi le problème de l’Europe« , souligne M. Bukowski.
Avec AFP