Une instagrameuse a été condamnée à quatre ans et demi de prison en Tunisie pour diffusion délibérée de contenus à caractère obscène.
Quatre autres créateurs de contenus seront jugés la semaine prochaine dans la même affaire, a indiqué le 31 octobre 2024 la radio privée Mosaïque.
Les cinq personnes, trois femmes et deux hommes dont les identités n’ont pas été communiquées, sont poursuivies pour «harcèlement d’autrui, expression intentionnelle d’obscénités et des poses immorales ou contraires aux valeurs sociétales affectant négativement le comportement des jeunes», a ajouté Mosaïque. Ils sont en détention depuis le 28 octobre 2024.
Initiative du ministère de la Justice
L’enquête a été ouverte après la diffusion le 27 octobre 20244 par le ministère de la Justice d’un communiqué appelant les procureurs à «prendre les mesures judiciaires nécessaires et à ouvrir des enquêtes contre toute personne produisant, affichant ou publiant des données, des images et des clips vidéo avec des contenus portant atteinte aux valeurs morales».
Le ministère a dénoncé l’utilisation croissante en Tunisie de réseaux comme Tik Tok et Instagram, pour diffuser des contenus «contraires à la morale publique, utilisant des phrases ou apparaissant dans des situations qui enfreignent les bonnes mœurs ou sont contraires aux valeurs sociétales».
Vastes débats
La décision du ministère a provoqué un vaste débat sur les réseaux sociaux et dans les médias. Des internautes dénoncent un excès de propos grossiers et d’images obscènes et s’opposent à d’autres qui entrevoient une nouvelle «restriction des libertés».
Le magazine d’information en ligne «Nawaat» a consacré un article au sujet sous le titre: «Les bonnes moeurs, nouvel alibi à la répression», estimant qu’il s’agit d’un concept «flou».
«Des comportements banals sous d’autres cieux pourraient être considérés en Tunisie comme des actes blasphématoires envers les valeurs de la société», souligne Nawaat, en citant l’exemple d’un couple s’embrassant sur la bouche dans la rue.
«Dérives liberticides»
Le magazine, très critique du pouvoir, estime aussi que «ces arrestations interviennent dans un climat marqué par des dérives liberticides».
«Après le démantèlement méthodique du pouvoir judiciaire, les poursuites engagées contre des opposants et journalistes, la répression de la société civile, ce sont désormais les personnes influentes sur les réseaux sociaux, indépendamment de la qualité des contenus qu’elles proposent, qui sont dans la ligne de mire du régime», estime Nawaat.
L’opposition et la société civile dénoncent depuis trois ans une «dérive autoritaire» du président Kaïs Saied, réélu le 6 octobre à une majorité écrasante (90,7%) mais avec un très faible taux de participation (moins de 30%).
Avec AFP