Un gang armé a attaqué ce dimanche 6 juillet 2025 le siège de la Commission kényane des droits humains, où se tenait une conférence de presse appelant à la fin des brutalités policières, a constaté un journaliste de l’AFP.
Le pays est confronté à une nouvelle vague de contestation contre la stagnation économique, la corruption et les brutalités policières sous la présidence de William Ruto, manifestations lors desquelles des bandes armées sont accusées d’agir à la solde des autorités.
Un journaliste de l’AFP présent au siège de la Commission dimanche a vu comment une vingtaine de personnes, certaines armées de bâtons, ont fait irruption, juste avant la conférence qui se déroulait à la veille de la « Journée Saba Saba », commémoration annuelle des manifestations pro-démocratie des années 1990.
La porte du siège de la Commission était fermée à clé mais le gang armé est entré de force. « Vous organisez des manifestations ici », ont-ils lancé aux personnes présentes qu’ils ont menacées. Ils ont volé quelques objets comme des ordinateurs et le système de sonorisation, avant de quitter les lieux, a constaté le journaliste.
« Des goons armés ont attaqué les bureaux de la Commission kényane des droits de l’homme », a accusé sur X l’ONG Women’s Collective, co-organisatrice de la conférence de presse.
Des bandes armées, dites « goons » au Kenya, sont régulièrement déployées pour attaquer les manifestations et sont soupçonnées d’être payées par les autorités.
« Répéter les années 90 »
Le 17 juin, des manifestants défilant contre les violences policières ont été attaqués par des centaines d’hommes à moto armés de fouets et de gourdins. Les journalistes de l’AFP ont vu ces hommes travailler sous la protection apparente de la police, et certains ont ouvertement déclaré qu’ils avaient été payés par des représentants des autorités.
Le 25 juin, à Nairobi, des manifestations, réprimées dans le sang, ont fait 19 morts et des centaines de blessés. Qualifiées par le gouvernement de « tentative de coup d’Etat », elles ont dégénéré en pillages et violences.
L’ONU s’était dit « profondément préoccupée », et rappelé que « la force létale des forces de l’ordre, comme les armes à feu, ne devrait être utilisée qu’en cas de stricte nécessité ».
Les manifestants étaient descendus dans la rue pour rendre hommage aux victimes des manifestations organisées en juin et juillet 2024 contre une loi budgétaire controversée et la corruption, dont l’apogée fut la prise du Parlement le 25 juin, durement réprimée.
Plus de 60 personnes avaient au total été tuées l’année dernière, et plus de 80 personnes enlevées – parfois des mois après les manifestations -, dont certaines sont encore portées disparues, selon les groupes de défense des droits humains.
Si le président Ruto reste en position de force, ayant forgé une alliance avec le principal chef de l’opposition, Raila Odinga, avant la présidentielle de 2027, chaque répression, comme l’attaque de dimanche contre la Commission, alimente la colère, analyse l’activiste Nerima Wako.
« Chaque fois qu’une manifestation est organisée, ils tuent plus de personnes, ce qui fait que la situation continue de s’alimenter d’elle-même », estime-t-elle.
Le Kenya commémore lundi le « Saba Saba » (« sept sept » en swahili), le septième jour du septième mois, quand l’opposition s’est levée en 1990 pour demander le retour du multipartisme et de la démocratie dans un pays alors dirigé d’une main de fer par l’autocrate Daniel arap Moi.
Le gouvernement du président Ruto, lui même partisan de Daniel arap Moi à l’époque de ces répressions, « semble essayer de répéter les années 90, mais nous ne sommes plus dans les années 90 », analyse Gabrielle Lynch, experte en politique africaine à l’université britannique de Warwick.
« Ils ne semblent pas avoir réalisé que le monde est différent. Les gens sont plus conscients des enjeux politiques. L’environnement de communication a également changé de manière spectaculaire avec l’essor des médias sociaux », ajoute-t-elle.
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