La juge fédérale Cameron Currie a frappé ce lundi 24 novembre 2025 en bloquant Donald Trump. Elle annule les deux poursuites lancées contre James Comey et Letitia James, deux adversaires notoires de Donald Trump. La décision repose sur un vice de forme : Lindsey Halligan, la procureure ayant présenté les dossiers devant les grands jurys, occupait illégalement son poste au moment des inculpations.
Le raisonnement juridique s’avère implacable. « Toutes les actions découlant de la nomination défectueuse de Mme Halligan représentent des exercices illégaux du pouvoir exécutif et doivent être écartées », écrit la juge dans son ordonnance. Comey et James respirent. Provisoirement du moins, car Currie autorise le département de la Justice à présenter de nouveaux actes d’accusation. Encore faut-il qu’un procureur valablement nommé s’en charge cette fois.
L’affaire remonte à septembre dernier. Erik Siebert occupait alors le poste de procureur fédéral par intérim pour le district Est de Virginie. Trump voulait des inculpations. Siebert résistait, estimant les preuves insuffisantes. Le 19 septembre, il annonçait sa démission. Le lendemain, Trump publiait sur Truth Social une mise en demeure adressée directement à Pam Bondi, sa ministre de la Justice : où sont les poursuites contre Comey, contre Letitia James, contre le sénateur démocrate Adam Schiff ? Enfin, le président s’impatientait publiquement et réclamait l’action immédiate.
Lindsey Halligan entre en scène le 20 septembre. Avocate en droit des assurances, ancienne conseillère à la Maison-Blanche, elle n’avait jamais mené de poursuites criminelles auparavant. Bondi la nomme procureure par intérim sur instruction présidentielle. Cinq jours plus tard, le 25 septembre, Halligan obtient l’inculpation de Comey pour faux témoignage devant le Congrès et entrave aux travaux législatifs. L’acte d’accusation contre Letitia James suit le 9 octobre, portant sur une fraude bancaire présumée et de fausses déclarations.
Le problème surgit du calendrier. La loi fédérale autorise un procureur par intérim à exercer pendant 120 jours sans confirmation sénatoriale. Passé ce délai, les juges du district doivent approuver sa reconduction ou désigner quelqu’un d’autre. Siebert avait obtenu cette approbation judiciaire pour dépasser ses 120 jours initiaux, commencés le 21 janvier 2025. Lorsque Trump l’évince en septembre, ce délai légal avait expiré depuis longtemps. Bref, le pouvoir de nommer son remplaçant appartenait aux magistrats locaux, pas à l’exécutif.
Currie va plus loin dans son argumentaire. Elle rejette la thèse gouvernementale selon laquelle Bondi aurait rétroactivement validé les actions de Halligan. « Cela signifierait que le gouvernement pourrait envoyer n’importe quel citoyen – avocat ou non – dans la salle du grand jury pour obtenir une inculpation, pourvu que le ministre de la Justice approuve après coup », observe-t-elle. Cette interprétation ouvrirait une brèche dangereuse dans les procédures établies.
Comey a publié une vidéo sur Instagram pour saluer la décision. Il dénonce des poursuites fondées sur la malveillance et l’incompétence, tout en exprimant sa gratitude envers les fonctionnaires du département qui ont refusé de participer à ce qu’il appelle une mascarade. Letitia James parle de victoire dans un communiqué, affirmant qu’elle ne se laissera pas intimider par ces accusations sans fondement.
Karoline Leavitt, porte-parole de la Maison-Blanche, annonce déjà l’appel du gouvernement. Elle conteste vigoureusement l’analyse de Currie et maintient que Halligan possédait la qualification et la légitimité nécessaires. La bataille judiciaire se déplace donc vers les cours supérieures. Pour Comey toutefois, le temps joue en sa faveur : le délai de prescription pour les faits reprochés a expiré fin septembre. Même si le département de la Justice l’emportait en appel, il ne pourrait plus le poursuivre pour cette affaire. James, elle, demeure exposée à de nouvelles poursuites si un procureur dûment nommé s’empare du dossier.
John Bolton, autre bête noire présidentielle, attend lui aussi son sort. Inculpé le 16 octobre pour divulgation de documents classifiés, il pourrait invoquer les mêmes arguments que Comey et James concernant la validité de la nomination de Halligan. Le schéma se répète : Trump chasse ses adversaires par le biais du système judiciaire, mais les tribunaux résistent lorsque les procédures dérapent.