Au Togo, que risque un employeur qui refuse de recruter quelqu’un parce qu’il n’est pas assez beau ? Vous êtes diplômé, compétent, motivé. Vous passez un entretien d’embauche. Tout se passe bien jusqu’à ce que le recruteur vous dise franchement que vous ne correspondez pas aux critères physiques de l’entreprise. Trop gros, pas assez grand, visage quelconque, silhouette ordinaire. Votre cœur se serre. Est-ce légal ? Non. Et voici pourquoi.
L’histoire de Madame Afi
Madame Afi a toujours rêvé de travailler dans une grande société. Dès l’obtention de son diplôme, elle postule dans plusieurs entreprises. Elle reçoit rapidement une convocation pour un entretien et se prépare soigneusement en choisissant son plus beau costume.
Le jour venu, elle répond à toutes les questions avec assurance. Elle maîtrise son domaine. Son CV est solide. Puis arrive le moment où l’employeur lui fait savoir qu’elle ne répond pas aux critères physiques de l’entreprise. Pas assez belle. Pas assez élancée. Pas le physique recherché.
Madame Afi rentre chez elle dévastée. Mais elle ignore que cet employeur vient de commettre un acte illégal et punissable par la loi.
Ce que dit la loi togolaise
Un entretien d’embauche n’est pas un concours de beauté. Le Code du travail du Togo, dans son article 4, interdit toute discrimination dans l’emploi et la profession fondée sur l’apparence physique.
Concrètement, cela signifie qu’on ne peut pas refuser un poste à quelqu’un parce qu’il n’a pas une silhouette jugée attirante, parce qu’il n’est pas assez grand, parce que son visage ne plaît pas, parce qu’il a des rondeurs ou au contraire parce qu’il est trop mince. Prendre une telle décision est contraire à la loi.
Les risques pour l’employeur
L’employeur qui refuse de recruter une personne à cause de son apparence physique risque très gros. L’article 367 du Code du travail est clair. Il risque une amende entre 500 000 et 2 000 000 de francs CFA. Il risque aussi une peine d’emprisonnement de six mois à deux ans. Le tribunal peut prononcer l’une de ces deux peines ou les deux en même temps.
Ces sanctions s’appliquent dès lors qu’une personne écarte un travailleur d’une procédure de recrutement ou prend une mesure discriminatoire contre lui en raison de son origine, de son sexe, de sa couleur, de son âge, de ses mœurs, de sa situation de famille, de son appartenance à une ethnie, de ses opinions politiques ou de son apparence physique.
L’exception : quand l’apparence est vraiment nécessaire
Attention, il existe une exception prévue par l’article 5 du Code du travail. Si une différence de traitement est indispensable pour bien exercer le travail, ce n’est pas considéré comme une discrimination. Mais il faut que ce soit une nécessité réelle, et non une simple préférence de l’employeur.
Prenons des exemples concrets. Dans le recrutement d’un mannequin, il est normal de sélectionner les candidats en fonction de leur apparence physique. Le métier consiste justement à présenter des vêtements, des produits de beauté, à incarner une image. Dans ce cas, l’apparence est une exigence professionnelle essentielle.
Même chose pour un acteur de cinéma choisi pour un rôle spécifique. Si on cherche quelqu’un pour jouer un boxeur, il faut une certaine carrure. Si on cherche quelqu’un pour jouer une personne âgée, il faut un certain âge ou un maquillage adapté.
Mais dans la majorité des emplois, l’apparence physique n’a rien à voir avec les compétences requises. Dans la situation de Madame Afi, rien ne justifie qu’une comptable doive être une femme séduisante ou dotée de rondeurs. Refuser sa candidature pour cette seule raison est donc totalement illégal.
Un enseignant n’a pas besoin d’être beau pour bien enseigner. Un ingénieur n’a pas besoin d’être grand pour bien concevoir des projets. Un commercial peut très bien vendre des produits sans avoir un physique de mannequin. Un juriste peut très bien plaider sans être élancé.
Que faire si cela vous arrive ?
Si on vous refuse un poste à cause de votre apparence physique, voici ce que vous devez faire. D’abord, notez immédiatement ce qui s’est dit pendant l’entretien. La date, l’heure, les mots exacts utilisés.
Ensuite, rassemblez toutes les preuves. L’offre d’emploi initiale. Votre CV. Votre lettre de motivation. Le mail de convocation à l’entretien. Tout document qui prouve que vous aviez les qualifications requises pour le poste.
Puis déposez une plainte auprès de l’inspection du travail de votre région. Vous pouvez aussi porter plainte directement au commissariat ou à la gendarmerie. L’inspection du travail peut mener une enquête et constater l’infraction. Elle peut dresser un procès-verbal qui servira devant les tribunaux.
Enfin, consultez un avocat spécialisé en droit du travail. Il pourra vous accompagner dans les démarches et vous aider à obtenir réparation. Vous pourriez avoir droit à des dommages et intérêts pour le préjudice subi.
Les autres formes de discrimination interdites
La loi togolaise ne se limite pas à l’apparence physique. Elle interdit aussi toute discrimination basée sur le sexe, la couleur, la religion, l’appartenance à une ethnie ou une race, l’opinion politique ou philosophique, les activités syndicales, l’origine sociale, les mœurs, le statut juridique, l’ascendance nationale, l’âge, la situation de famille, l’état de grossesse, l’état de santé, la perte d’autonomie ou le handicap.
Toutes ces discriminations sont punies de la même manière. Amende de 500 000 à 2 000 000 de francs CFA et emprisonnement de six mois à deux ans.
Un message pour les employeurs
Si vous êtes employeur, retenez ceci. Recrutez sur la base des compétences, de l’expérience et de la motivation. Pas sur la base de l’apparence physique, sauf si votre secteur d’activité l’exige vraiment.
Mettez en place des processus de recrutement objectifs. Évaluez les candidats sur des critères mesurables et pertinents pour le poste. Formez vos recruteurs pour éviter les biais discriminatoires.
En agissant ainsi, vous protégez votre entreprise contre des poursuites judiciaires coûteuses. Vous créez aussi un environnement de travail sain et diversifié. Et surtout, vous contribuez à construire une société plus juste où chacun a sa chance en fonction de ses talents, pas de son apparence.
L’essentiel à retenir
Non, un employeur ne peut pas refuser de recruter quelqu’un parce qu’il n’est pas assez beau ou belle. C’est une discrimination basée sur l’apparence physique, strictement interdite par le Code du travail togolais.
L’employeur qui commet cette faute risque une amende entre 500 000 et 2 000 000 de francs CFA et une peine d’emprisonnement de six mois à deux ans.
La seule exception concerne les métiers où l’apparence physique est une exigence professionnelle essentielle, comme mannequin ou acteur pour un rôle spécifique.
Si vous êtes victime de ce type de discrimination, documentez tout, déposez une plainte et consultez un avocat. Votre talent et vos compétences comptent bien plus que votre apparence. La loi togolaise est de votre côté.
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