La Cour suprême du Togo a rendu, le 21 avril 2022, un arrêt important dans une affaire de propriété foncière opposant la famille Agbetounou et les héritiers de feu Ab Ag C dans la préfecture des Lacs. Ce dossier, ouvert depuis 2008, portait sur une portion de terrain de 2 ares 71 centiares à Af.
Selon les faits, feu Ab Ag C était propriétaire d’un vaste domaine. Les Agbetounou revendiquaient une partie de ce terrain, affirmant en être les propriétaires légitimes.
En première instance, le Tribunal d’Aného leur avait donné raison. Mais la Cour d’appel de Lomé a ensuite infirmé ce jugement en reconnaissant que la portion litigieuse appartenait en réalité aux MESSANGAN, héritiers de feu Ab Ag C.
Les Agbetounou ont alors saisi la Cour suprême pour contester l’arrêt de la Cour d’appel. Ils invoquaient notamment une mauvaise application des règles de procédure, estimant que l’appel des MESSANGAN était devenu caduc après sept ans sans production d’arguments.
Mais la Cour suprême a rejeté le pourvoi. Elle précise que les juges d’appel ont agi correctement, car un « avenir » (notification de procédure) avait été adressé aux Agbetounou avant leurs conclusions de carence, ce qui maintenait l’appel en vie. La haute juridiction rappelle que les délais se comptent à partir de cet acte, conformément à l’article 148 du code de procédure civile.
Concernant la propriété du terrain, la Cour suprême n’a pas réexaminé les faits puisque son rôle est de contrôler l’application de la loi et non de juger à nouveau la preuve foncière. Les arguments des Agbetounou ne reposant sur aucun texte violé, le moyen a été rejeté.
En définitive, la Cour suprême confirme la décision de la Cour d’appel : la portion de terrain de 2a 71ca appartient bien aux héritiers de feu Ab Ag C. Le pourvoi est rejeté, la taxe est confisquée et les Agbetounou sont condamnés aux dépens.
Ce qu’il faut retenir
Cette décision apporte plusieurs enseignements utiles dans les litiges fonciers. D’abord, il est crucial de comprendre que les procédures d’appel obéissent à des règles strictes, et qu’un acte de procédure, même ancien, peut maintenir une affaire active.
Ensuite, la Cour suprême ne revient pas sur les questions de faits ou de possession matérielle du terrain. Elle ne juge que le droit.
Enfin, cette affaire rappelle l’importance, pour toute famille ou héritier, de disposer de documents clairs attestant la propriété foncière afin d’éviter des conflits qui durent parfois plus d’une décennie.
Togo, Cour suprême, 21 avril 2022, 047/22
Texte (pseudonymisé)
COUR SUPREME DU TOGO
CHAMBRE JUDICIAIRE ARRET N°047/22 du 21 AVRIL 2022 _________ Pourvoi N°31/RS/2018 du 02 Mars 2018 ___________ AFFAIRE
Les nommés Ah X, Ag X, Aa X (Mes B Zeus, DOVI-AVOUYI Ata Quam)
C/
Les héritiers de feu Ab Ag C représentés par Ae C (Me SOWOU Amégnon) ___________
PRESENTS: MM
BASSAH : PRESIDENT
KODA SAMTA MEMBRES LOXOGA ABBEY-KOUNTE
AZANLEDJI : M.P. ADJETE-AMLA : GREFFIER
REPUBLIQUE- TOGOLAISE Travail-Liberté-Patrie
« AU NOM DU PEUPLE TOGOLAIS »
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU JEUDI VINGT-ET-UN AVRIL DEUX MILLE VINGT-DEUX (21/04/2022)
A l’audience publique ordinaire de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au siège de ladite Cour, le jeudi vingt-et-un avril deux mille vingt-deux, est intervenu l’arrêt suivant :
LA COUR,
Sur le rapport de monsieur Badjona SAMTA, Conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ;
Vu l’arrêt n°013/18 rendu le 03 janvier 2018 par la Cour d’appel de Lomé ;
Vu la requête à fin de pourvoi de maître Ata-Messan AJAVON, conseil des demandeurs au pourvoi ;
Vu le mémoire en réponse de maître Amegnon SOWOU, conseil des défendeurs au pourvoi ;
Vu le mémoire en réplique de maîtres AJAVON Zeus et DOVI-AVOUYI, conseils des défendeurs au pourvoi ;
Vu les conclusions écrites de monsieur Ac Y, troisième avocat général près la Cour suprême ;
Vu les autres pièces de la procédure ;
Vu la loi organique n° 97-05 du 6 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret n° 82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ;
Ouï le conseiller Badjona SAMTA en son rapport ;
Nul pour les conseils des parties, absents et non représentés ;
Le ministère public entendu ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant en matière civile sur le pourvoi formé le 2 mars 2018 par maître Ata Zeus AJAVON, avocat au barreau du Togo, agissant au nom et pour le compte des AGBETOUNOU, contre l’arrêt n°013/18 rendu le 3 janvier 2018 par la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé ;
EN LA FORME :
Attendu que le pourvoi a été fait dans les forme et délai de la loi ; que donc, il est recevable ;
AU FOND
Attendu qu’il ressort des faits de la procédure que sieur Ab Ag C, feu père des défendeurs au pourvoi, était de son vivant propriétaire d’un vaste domaine (terrain) sis à Af (préfecture des Lacs) ;
que les demandeurs au pourvoi, ont, entre-temps, émis des velléités de droit de propriété sur une portion d’une contenance de 02 ares 71 centiares relevant dudit domaine ;
Que saisi du litige, le Tribunal de première instance d’Aného a jugé et dit la portion litigeuse propriété des AGBETOUNOU ;
que sur appel des défendeurs au pourvoi, la Cour d’appel, par arrêt dont pourvoi, a confirmé le droit de propriété des MESSANGAN sur les 02a 71ca, infirmant ainsi le jugement ;
Sur le moyen tiré de la violation des articles 148 et 43 du code de procédure civile en ce que les juges d’appel ayant constaté qu’il s’est écoulé un délai de sept (07) ans au cours duquel les appelants n’ont pas produit de moyens pour permettre à la Cour de statuer, ont, cependant retenu à la date du 3 janvier 2018, date du rendu de l’arrêt, une « survivance de l’appel du 28 novembre 2008 » se fondant sur l’avenir servi aux intimés alors que ceux-ci avaient déposé des conclusions de carence en date du 25 août 2015 et surtout que les appelants n’ont pas rapporté la preuve du retard dans la production de la requête d’appel (décès de leur auteur) ; que ce faisant, les juges ont violé les articles 148 et 43 du code de procédure civile ;
Mais attendu que les juges d’appel, pour se décider ainsi, ont constaté que l’avenir a été servi aux intimés bien avant leur production des conclusions de carence ; que donc c’est à bon droit qu’ils ont retenu qu’à partir de l’avenir, il y avait une survivance de l’appel du 28 novembre 2008, de sorte que le décompte des délais prescrits à l’article 148 du code de procédure civile court à compter de l’acte d’avenir ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le moyen pris de la violation du droit de propriété des requérants ;
Attendu que le moyen tel que posé et l’argumentaire qui s’en suit ne font pas ressortir le texte de loi ou le principe général de droit violés ;
qu’aussi, à l’analyse, il est demandé à la haute juridiction d’examiner et d’apprécier les éléments de faits, ce qui ne relève pas de sa compétence ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, publiquement, en matière civile et en état de cassation :
EN LA FORME
Reçoit le pourvoi ;
AU FOND
Le rejette ;
Prononce la confiscation de la taxe du pourvoi ;
Condamne les demandeurs au pourvoi aux dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt soit faite en marge ou au pied de la décision critiquée. Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi vingt-et-un avril deux mille vingt-deux à laquelle siégeaient :
Monsieur Koffi Agbenyo BASSAH, Président de la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ;
Messieurs Koffi KODA, Badjona SAMTA, Kuma LOXOGA, et Mme Kayi ABBEY-KOUNTE, tous quatre, conseillers, à la chambre judiciaire de la Cour suprême, MEMBRES ;
En présence de madame A Ad, premier avocat général près la Cour suprême ;
Et avec l’assistance de maître Agnélé ADJETE-AMLA, greffier à la Cour suprême, GREFFIER ;
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier. /.