Togo / héritage : une famille déchirée par un litige foncier à Kpala ; la Cour suprême tranche

Cour suprême du Togo 19 mai 2022 affaire d’héritage autour d’un domaine foncier à Kpala

Crédit photo : DR

La Cour suprême du Togo a rendu le 19 mai 2022 un arrêt important dans une affaire d’héritage opposant plusieurs membres d’une même famille autour d’un domaine foncier situé à Mission-Tové, au lieu-dit Kpala.

Ce litige a débuté lorsque deux héritiers, A Ah et A Afi, ont saisi la justice afin d’obtenir le partage équitable d’un bien appartenant selon eux à leur auteur commun, feu X.

Ils affirmaient que quatre héritiers, nommément Amotsroé, Ketsra, Ahoévi et Animaka, devaient se partager le domaine à parts égales.

Ils accusaient en effet X Ae de se comporter comme propriétaire exclusif de l’immeuble, en violation de leurs droits successoraux.

Le Tribunal de première instance de Tsévié avait donné raison aux demandeurs le 15 janvier 2016.

L’affaire avait ensuite été portée devant la Cour d’appel de Lomé qui, en février 2018, avait confirmé ce jugement.

Contestant cette décision, X Ae avait formé un pourvoi devant la Cour suprême en soutenant principalement que les juges n’avaient pas établi la preuve de l’indivision entre les héritiers et qu’ils auraient dû ordonner un transport sur les lieux afin d’examiner les propriétés de feu X et de feu X Ad, son propre père.

Dans son arrêt, la Cour suprême a rejeté ces arguments.

Sur la question de l’indivision, elle a rappelé que la charge de la preuve incombe à celui qui invoque une situation juridique.

Le demandeur au pourvoi soutenait que les juges auraient dû rechercher eux-mêmes la preuve de l’indivision, mais la Cour suprême a estimé que cette démarche ne relevait pas du rôle du juge lorsque les parties n’ont formulé aucune demande d’instruction. Elle a conclu que l’argument était infondé.

Concernant l’absence de transport sur les lieux, la Cour suprême a relevé que l’article 75 du code de procédure civile n’impose pas automatiquement une visite des lieux au juge. Cette mesure n’est ordonnée que si les faits nécessitent une instruction et si les parties en font la demande ou si le juge l’estime nécessaire. Dans cette affaire, aucune partie n’avait sollicité un transport sur les lieux et les juges d’appel avaient la liberté d’apprécier l’opportunité de cette mesure. L’argument a donc été rejeté.

Après examen des moyens du pourvoi, la Cour suprême a confirmé en tous points l’arrêt de la Cour d’appel. Elle a jugé que les décisions précédentes avaient été prises conformément au droit et que le partage du domaine foncier devait être maintenu. Elle a rejeté le pourvoi, ordonné la confiscation de la taxe de pourvoi et condamné X Ae aux dépens.

Cette décision confirme la solidité des décisions rendues par les juridictions inférieures et rappelle les principes essentiels de la procédure civile en matière d’héritage et de preuve. Elle réaffirme que la justice ne peut suppléer les parties dans l’administration de la preuve sans requête préalable. L’arrêt apporte une clarification supplémentaire dans les litiges successoraux, souvent sensibles au Togo, en insistant sur la responsabilité des héritiers dans la présentation des faits et des documents nécessaires.

Avec ce jugement, la Cour suprême met fin à une procédure engagée depuis 2016 et confirme le droit des héritiers à obtenir un partage équitable du domaine de leur auteur commun.

L’affaire illustre une nouvelle fois l’importance de la rigueur dans les démarches successorales et la nécessité pour les familles de documenter clairement leurs droits dans les litiges immobiliers.

 Togo, Cour suprême, 19 mai 2022, 067/22

Texte (pseudonymisé)

COUR SUPREME DU TOGO
CHAMBRE JUDICIAIRE ARRET N°067/22 du 19 mai 2022 _________ Pourvoi N°144/RS/18 du 12 septembre 2018 AFFAIRE
X Aee
C/
A Ah A Afi
PRESENTS: MM BASSAH : PRESIDENT
SAMTA* LOXOGA MEMBRES ABBEY-KOUNTE BODJONA C : M.P. BISSETI-MARDJA : GREFFIER
REPUBLIQUE-TOGOLAISE Travail-Liberté-Patrie
« AU NOM DU PEUPLE TOGOLAIS »
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU JEUDI DIX-NEUF MAI DEUX MILLE VINGT DEUX (19-05-22)

A l’audience de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au siège de ladite Cour, le jeudi dix-neuf mai deux mille vingt-deux, est intervenu l’arrêt suivant :

LA COUR,

Sur le rapport de monsieur Badjona SAMTA, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ;

Vu l’arrêt n°146/18 en date du 28 février 2018 rendu par la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé ;

Vu la requête à fin de pourvoi de maître LAWSON-LATEVE, avocat au barreau du Togo, conseil du demandeur au pourvoi ;

Vu le mémoire en réponse de maître Malia KELOUWANI, avocat au barreau du Togo, conseil du défendeur au pourvoi ;

Vu les conclusions écrites de madame Ac Af B, premier avocat général près la Cour suprême ;

Vu les autres pièces de la procédure ;

Vu la loi organique n°97-05 du 6 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret n°82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ;

Ouï monsieur Badjona SAMTA en son rapport ;

Nul pour les conseils des parties, absents et non représentés ;

Le ministère public entendu ;

Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant en matière civile sur le pourvoi formé le 11 septembre 2018 par maître LAWSON-LATEVE, avocate au barreau du Togo, agissant au nom et pour le compte de X Ae, contre l’arrêt n°146/18 rendu le 28 février 2018 par la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé dans le différend qui oppose son client aux nommés A Ah et A Afi ;

EN LA FORME

Attendu que les actes de la procédure ont été faits dans les forme et délai de la loi ;

qu’ainsi, le pourvoi est recevable ;

AU FOND

Attendu qu’estimant être copropriétaires par voie d’héritage d’un domaine foncier sis à Mission-Tové au lieu dit « Kpala » appartenant à leur auteur commun, feu X, décédé ab intestat, et face aux vélléités de X Ae qui se comporte en seul et exclusif propriétaire dudit immeuble, les nommés A Ah et A Afi ont attrait celui-ci pour pourvoir au partage à intervenir en parts égales entre les quatre (04) héritiers de l’auteur commun, à savoir AMOTSROE, KETSRA, AHOEVI et ANIMAKA ; Attendu que par jugement n°64 rendu le 15 janvier 2016, le Tribunal de première instance de Tsévié a fait droit à la demande des A, lequel jugement a été confirmé par l’arrêt dont pourvoi ; Sur le premier moyen

Attendu qu’il est reproché aux juges d’appel d’avoir confirmé le jugement alors qu’ils n’ont pas la preuve de l’indivision dans laquelle vivent les parties, situation qu’ils se sont abstenus de rechercher par voie d’instruction ; que ce faisant, ils ont violé les articles 9 de l’ordonnance n°78-35 du 7 septembre 1978 et 128 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la preuve de l’indivision dans laquelle vivent les parties incombait à la partie ayant invoqué cette situation ou qui, tout au moins, devait formuler une demande en ce sens ;

Que ne l’ayant pas fait et tentant par ce moyen de renverser la charge de la preuve, le demandeur au pourvoi ne saurait être accueilli ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen

Attendu qu’il est fait grief aux juges d’appel que ne connaissant ni le domaine de feu X (auteur commun) ni celui de feu X Ad, père du demandeur au pourvoi, il leur revenait d’ordonner un transport sur les lieux ;

que ne l’ayant pas fait, ils ont violé les dispositions de l’article 75 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’aux termes de l’article visé au moyen, « si la preuve des faits de la cause nécessite des mesures d’instruction, celles-ci sont ordonnées par le Tribunal, à la demande conjointe des parties ou d’office » ; qu’il ne ressort pas du texte une obligation à la charge du juge mais une libre appréciation de l’opportunité de la mesure ; qu’au demeurant, les parties n’ont pas formulé de demande en ce sens ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, publiquement, en matière civile et en état de cassation ;

En la forme

Reçoit le pourvoi ;

Au fond

Le rejette ;

Ordonne la confiscation de la taxe de pourvoi ;

Condamne le demandeur au pourvoi aux dépens ;

Dit que mention du présent arrêt sera faite en marge ou au pied de la décision critiquée ;

Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi dix-neuf mai deux mille vingt-deux et à laquelle siégeaient :

Monsieur Agbenyo Koffi BASSAH, président de la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ;

Messieurs Badjona SAMTA, Kuma LOXOGA, madame Kayi ABBEY-KOUNTE et monsieur Pignossi BODJONA, tous quatre, conseillers à la chambre judiciaire de la Cour suprême, MEMBRES ;

En présence de monsieur Ag Ab C, 2ème avocat général près la Cour suprême ;

Et avec l’assistance de maître Tilate BISSETI-MARDJA, greffier à la Cour suprême, GREFFIER ;

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier. /.

Togo, Cour suprême, 19 mai 2022, 067/22

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