Tchad : Mahamat Idriss Deby dans les pas de son père qui a régné 30 ans sur le pays

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Crédit Photo : France 24

Le général Mahamat Idriss Déby Itno, le regard fuyant, paraissait bien timoré ce 20 avril 2021 quand l’armée annonçait à la télévision la mort de son père Idriss Déby Itno, maître absolu du Tchad depuis 30 ans, tué par des rebelles en se rendant au front.

Près de trois ans plus tard, le « Président de transition » autoproclamé paraît indiscutablement plus posé et assuré, à deux mois d’une présidentielle qui s’annonce prometteuse pour lui en l’absence de rival sérieux dans une opposition muselée ou violemment réprimée.

Dynastie

Car sa junte a écarté politiquement ou physiquement tout rival, et l’opposition l’accuse de perpétuer « la dynastie Déby ». Lui, semble déterminé à placer ses pas dans ceux de son père et se préparer à un long règne.

Mais sa légitimité au sein même de la famille Déby et de son ethnie zaghawa, qui régissent le pays d’une main de fer depuis 33 ans, vacille un peu plus depuis que l’armée a tué son cousin et adversaire Yaya Dillo mercredi dans l’assaut du siège de son parti d’opposition.

A la télévision d’Etat, en ce 20 avril 2021, Mahamat Déby semble perdu au milieu de 14 généraux, grognards de son maréchal de père, qui le proclament à la tête de leur junte et Président de transition.

Le jeune général arbore déjà quatre étoiles à 37 ans, mais son nouveau costume de président semble bien grand pour cet homme issu d’une école d’officiers tchadienne n’ayant jamais approché la politique de près ou de loin.

Au fil des trois années écoulées, et de nombreuses réceptions officielles en grande pompe à Paris et dans les capitales africaines ou du Golfe, il a pris de l’étoffe et troqué, comme son père, l’uniforme contre le boubou traditionnel ou le costume de marque, une image plus « présidentiable ».

Discorde familiale

Mais, la mort violente de Yaya Dillo Djérou et l’arrestation dans l’assaut de leur oncle l’influent général Saleh Déby, consacre une tendance qui sourdait déjà sous le maréchal: Mahamat Déby cristallise une discorde, une fracture voire un gouffre qui se sont creusés au cœur du clan familial et de l’ethnie des Zaghawas.

Pour affirmer son autorité, il a mis au rencart plusieurs généraux fidèles à son père dans une toute-puissante armée dont le commandement est trusté par les Zaghawas et quelques alliés de l’ethnie Gorane.

Il les a parfois remplacés par des Goranes au grand dam des Zaghawas. Mahamat est moitié zaghawa par son père et moitié gorane par sa mère.

Mais le pari de resserrer les rangs est loin d’être gagné.

Au point que bruissaient ces dernières semaines des rumeurs de tentative de coup d’Etat ou de mutinerie d’une partie des militaires autrefois fidèles au maréchal ou restés proches de Yaya Dillo et Saleh Déby.

Signe de son inquiétude croissante: Mahamat Déby est allé fin janvier à Amdjarass, le berceau familial dans l’est désertique, pour tenter de ressouder le clan et les Zaghawas en épousant une troisième femme, fille du frère aîné du maréchal et l’un des influents meneurs de la fronde.

Adoubé à l’étranger

A bientôt 40 ans, il campait pourtant récemment encore un chef de l’État assuré, copiant les attitudes martiales de son géniteur, au pays comme à l’étranger où il avait été rapidement adoubé par une communauté internationale tout aussi prompte à vilipender et sanctionner ailleurs en Afrique les militaires putschistes.

Et il s’est épinglé une cinquième étoile de général le 21 décembre 2021, le plus haut grade possible. Avant un éventuel maréchalat.

Comme son père encore, il renfile volontiers son treillis, et son béret rouge des commandos d’élite de la garde présidentielle qu’il commandait de 2014 à 2021, quand il se rend comme lui près du front contre les rebelles.

Et chausse ses éternelles lunettes noires qui lui donnent un air menaçant. Comme son père encore.

Biographes et hagiographes assurent qu’il s’est illustré plusieurs fois au combat, notamment en 2009, dans l’est, contre la rébellion. Tout comme son père là encore, ancien rebelle qui s’est emparé du pouvoir en 1990 – à 38 ans… – et n’a jamais cessé de se dépeindre en « guerrier ».

Sur le plan intérieur, Mahamat Déby n’a jamais laissé la moindre opposition, la moindre dissidence prendre corps. Il alterne la répression meurtrière (une manifestation pacifique matée dans le sang le 20 octobre 2022, l’assaut contre le parti de M. Dillo…), et la séduction voire le braconnage dans l’opposition politique et armée.

Avec l’AFP

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