En Tanzanie, le gouvernement a pris une décision sans précédent ce lundi 24 novembre 2025 concernant la fête nationale. Les célébrations de la fête nationale du 9 décembre n’auront pas lieu. Cette annonce intervient alors que le pays traverse l’une des crises les plus graves de son histoire récente.
La présidente Samia Suluhu Hassan a donné l’ordre de supprimer toutes les festivités. L’argent prévu pour l’événement servira plutôt à réparer des infrastructures endommagées, a précisé le Premier ministre Mwigulu Nchemba. Une décision qui prend tout son sens dans le contexte actuel. Le 9 décembre devait être une journée de rassemblement patriotique. Il pourrait désormais devenir le théâtre de nouvelles manifestations.
Annulation de la fête nationale en Tanzanie : un scrutin qui bascule dans le chaos
Le 29 octobre, la Tanzanie organisait son élection présidentielle et législative dans des conditions contestées par l’opposition et les observateurs étrangers. Sans véritable concurrent face à elle — les principaux opposants ayant été emprisonnés ou disqualifiés — la présidente sortante a obtenu 97,66% des suffrages. Des chiffres qui ont immédiatement alimenté les accusations de fraude électorale.
La réaction populaire ne s’est pas fait attendre. Dès le jour du vote, des centaines de personnes sont descendues dans les rues de Dar es Salaam et d’autres villes. Les forces de sécurité ont riposté avec une violence inouïe. Bref, le pays s’est embrasé.
Le bilan humain demeure flou et contesté. Le parti d’opposition Chadema affirme qu’environ 700 personnes ont été tuées, tandis que le gouvernement refuse de communiquer tout décompte officiel. Des témoignages évoquent des disparitions de cadavres, des fosses communes, une volonté manifeste de dissimuler l’ampleur de la répression.
Le silence comme stratégie
Les autorités ont imposé un couvre-feu entre le 29 octobre et le 3 novembre. L’accès à internet a été bloqué au plus fort des violences. Les sites d’information locaux n’ont plus été mis à jour pendant plusieurs jours. Cette coupure numérique visait un objectif précis : empêcher la diffusion d’images compromettantes et limiter la coordination des manifestants.
Plus de 600 personnes ont été inculpées pour trahison au 11 novembre en raison de leur participation aux protestations, selon le barreau du Tanganyika. Certaines de ces accusations ont depuis été levées à Mwanza, Arusha et Dar es Salaam. La répression juridique s’est ajoutée à la répression physique.
Le porte-parole du gouvernement Gerson Msigwa a critiqué dimanche ce qu’il appelle la « couverture biaisée » des médias étrangers. Ces derniers ont publié des photographies de la répression, qualifiées de « mauvais goût » par les autorités. Une tentative de contrôler le récit qui s’effondre face à la multiplication des témoignages.
Une présidente isolée
Samia Suluhu Hassan avait suscité l’espoir lors de son accession au pouvoir en 2021, après la mort de John Magufuli. Elle promettait une ouverture démocratique, un assouplissement des restrictions. Enfin, cet espoir s’est évanoui. La communauté internationale observe avec inquiétude le glissement autoritaire du régime.
Le Premier ministre Nchemba a lancé un appel lundi : « Ne revenons pas à ce que nous avons traversé, car les conséquences sont irréparables ». Une phrase qui résonne comme un avertissement alors qu’une nouvelle manifestation pacifique est prévue le 9 décembre, jour qui devait célébrer l’indépendance nationale.
La Tanzanie commémore chaque 9 décembre son indépendance obtenue du Royaume-Uni en 1961. Cette année, pour la première fois depuis longtemps, il n’y aura ni défilé militaire, ni feu d’artifice, ni réception au palais présidentiel. Juste un jour férié ordinaire dans un pays meurtri.
L’annulation des festivités n’est pas totalement inédite. Le président Magufuli avait procédé de même en 2015 pour financer la construction d’une route. Mais le contexte était différent. Cette fois, la décision intervient dans un climat de terreur, alors que le pays panse ses plaies et que les familles pleurent leurs disparus.