La nouvelle volée de sanctions américaines laissait, ce jeudi 13 juin 2024, les Moscovites interrogés par l’AFP, largement indifférents, dans un pays qui a mieux résisté que prévu depuis deux ans à de multiples mesures de rétorsion pour son assaut contre l’Ukraine.
Depuis jeudi, plus de transactions en euros et en dollars, une mesure qui ajoute à l’incertitude économique, mais qui ne semble pas inquiéter outre mesure, même si elle pourrait conduire à une plus grande volatilité des taux de change et donc miner l’épargne.
Les Russes qui le peuvent, échaudés par les crises et dévaluations à répétition et l’isolement de l’époque soviétique, économisent bien souvent en dévises occidentales.
« Lorsque le taux de change augmente, je vends des dollars. Je l’ai acheté par exemple à 90 roubles, et quand il est monté à 95 roubles, je l’ai vendu », explique à l’AFP Ilia Mier, étudiant de 19 ans, qui dit « suivre la situation politique » pour déterminer que faire de ses devises et de ses roubles.
Mais d’autres Moscovites interrogés jeudi par l’AFP ont estimé que cette mesure ne changera rien à leur vie, affichant leur patriotisme dans un pays où critiquer le pouvoir peut conduire en prison.
« La monnaie officielle de notre pays est le rouble. Je ne paierai pas en euros ou en dollars ici, je n’ai donc pas besoin d’acheter des devises étrangères », indique Vadim, ingénieur de 49 ans.
Valeri Strakhov, guide touristique de 53 ans, dit qu’il a « tout ce qu’il faut en Russie » et n’a pas l’intention de se rendre à l’étranger.
« Les sanctions se renforcent, mais nous devons tous devenir plus forts et en sortir gagnants », assure-t-il.
– Le yuan roi de la Bourse-
Iaroslav, étudiant de 18 ans, se félicite pour sa part que fonctionne la « substitution des importations », stratégie du Kremlin visant à remplacer les produits occidentaux par des ersatz, chinois ou russes notamment.
« Etant donné que nous sommes visés par des sanctions et qu’il n’y a pas de voyages à l’étranger, nous n’avons besoin ni de dollars ni d’euros », abonde Egor Danilov, 36 ans, ingénieur.
La Banque centrale s’est voulue rassurante, soulignant que « les entreprises et les particuliers peuvent continuer à acheter et à vendre des dollars américains et des euros par l’intermédiaire des banques russes ».
« Tous les fonds détenus sur des comptes en dollars américains restent en sécurité », a-t-elle assuré.
De nombreuses entreprises et banques russes ont, elles, réduit leur dépendance à l’égard des devises occidentales ces deux dernières années, le yuan chinois représentant désormais la majorité des transactions en devises étrangères à la bourse de Moscou.
Les banques russes affichaient jeudi matin des écarts compris entre 3 et 10 roubles entre le prix auquel elles proposent d’acheter et de vendre des devises.
Dans un mouvement de panique apparent après l’annonce des sanctions américaines mercredi, quelques-unes avaient momentanément augmenté leurs taux de change jusqu’à 200 roubles pour un dollar, contre les 89 roubles fixés par la banque centrale avant l’annonce.
Selon une note de l’économiste Anton Tabakh, la Russie s’était « bien préparée » à cette éventualité, les effets immédiats sont donc « assez légers ».
« Mais il y aura de nouveaux coûts, une nouvelle volatilité, et tout cela se reflétera dans les prix et dans les politiques des exportateurs et des importateurs, et en fin de compte probablement dans l’inflation » déjà élevée, indique-t-il.
« Franchement, il n’y a rien de terrible ou de nouveau, il faut juste s’habituer à cette nouvelle réalité », a assuré de son côté l’économiste Alexandre Timofeïev à l’antenne de la radio russe BFM.
Moscou a promis de répondre aux sanctions américaines, mais n’a pas précisé sous quelle forme.
Avec AFP
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