Depuis l’arrivée de Cristiano Ronaldo à Al-Nassr, il y a deux ans et demi, la Saudi Pro League a connu de profonds changements. Comme l’a montré cet été la Coupe du monde des clubs, la Saudi Pro League aspire à devenir un championnat compétitif, attirant plus que des joueurs en fin de carrière. Pourtant, le football saoudien peine encore à trouver son public.
Le 8 août dernier, le créateur de contenu Zack Nani a fait une annonce à laquelle personne ne s’attendait. Le streamer, passionné de football, a acquis le droit de diffuser gratuitement sur sa chaîne Twitch des matchs du championnat saoudien, dès la saison prochaine. Un pari audacieux, alors que la Saudi Pro League (SPL) cherche depuis plusieurs années à élargir son public.
L’arrivée de la superstar mondiale Cristiano Ronaldo à Al-Nassr en décembre 2022 peut être considérée comme le point de départ d’un projet ambitieux : rendre le championnat saoudien attractif dans le monde entier, tout en augmentant son niveau de compétitivité grâce à l’arrivée de joueurs expérimentés ayant évolué dans les meilleurs championnats européens.
Ce projet s’inscrit dans un plan encore plus vaste, intitulé Vision 2030 et piloté par le prince héritier Mohammed ben Salman lui-même. Lancé en 2016, l’objectif est de diversifier l’économie de l’Arabie saoudite, trop dépendante du pétrole, et d’en accroître le rayonnement international.
Le sport, et ici le football, est alors vu comme un levier essentiel. C’est pour cela que le fonds souverain saoudien (PIF), qui investit directement dans les plus gros clubs du championnat, dont Al-Nassr, n’a pas lésiné sur les moyens pour attirer l’attaquant portugais. Fabrizio Romano, journaliste italien qui a fait de l’actualité du mercato sa spécialité, parlait d’un contrat avoisinant les 200 millions de dollars par an. Du jamais vu dans l’histoire du football.
Une stratégie de recrutement qui évolue
Cristiano Ronaldo a été le premier d’une longue série. Karim Benzema, Neymar, ou encore Sadio Mané ont suivi. Leur point commun ? Un âge relativement avancé, puisqu’ils avaient tous plus de 30 ans au moment de rejoindre le championnat saoudien. Des stars donc, mais dont le pic de leur carrière est supposé être derrière eux. Il n’empêche que ces grands noms ont attiré une certaine visibilité sur le championnat saoudien.
« Moi, quand je gérais mon petit compte, il y avait un ou deux likes par post, et je me disais que ça n’intéressait pas grand monde. Et maintenant, quand tu commences à faire des posts, ça peut atteindre des millions de vues ». Mokhtar, 24 ans, est un étudiant belge d’origine saoudienne. Il est le co-fondateur du compte X, anciennement Twitter, « Actu SPL », qui relaye l’actualité de la Saudi Pro League, qu’il suit depuis son adolescence.
Parmi les critiques qui sont faites à cette compétition, beaucoup en parlent sur les réseaux sociaux comme d’un championnat de joueurs en pré-retraite, et peu compétitif, car il n’attirerait que des joueurs intéressés par l’argent. « Au début, c’était réel, admet Mokhtar. Mais dès la deuxième saison [après l’arrivée de Ronaldo], ils ont essayé de recruter des joueurs U21, comme Marcos Leonardo (attaquant brésilien d’Al-Hilal, 22 ans aujourd’hui), ou Mario Mitaj (défenseur albanais d’Al-Ittihad, 22 ans aujourd’hui). Et là, dans la troisième année, on voit bien que les joueurs qui rejoignent le championnat sont dans la fleur de l’âge ».
« Les propositions que tu reçois en Arabie, c’est un autre monde »
On pense par exemple à l’Italien Mateo Retegui, 26 ans, qui a fini meilleur buteur de Serie A la saison passée. L’annonce de son transfert fin juillet depuis l’Atalanta vers Al-Qadsiah a été un choc en Italie, car personne ne pensait le voir signer là-bas à ce stade de sa carrière. Des profils comme le sien, il y en a eu d’autres cet été. Le Français Enzo Millot, 23 ans, qui a quitté Stuttgart pour Al-Alhi, ou encore le Portugais João Félix, 25 ans, qui a été transféré de Chelsea à Al-Nassr.
Pour certains joueurs, il est difficile de refuser le pont d’or proposé par l’Arabie saoudite. « Les propositions que tu reçois en Arabie, c’est un autre monde », confiait Allan Saint-Maximim, qui a signé à Al-Ahli à l’été 2023, sur la chaîne YouTube de Zack Nani. «Tu passes de trois millions par an net, à une proposition de 15 millions par saison […] Ce sont des chiffres, quand tu les vois sur le contrat, tu te demandes si c’est réel. »
Mais la SPL a l’ambition d’être également attractive par son niveau de jeu. Cristiano Ronaldo, qui en est devenu le principal ambassadeur et défenseur, déclarait fin 2024 que le championnat saoudien était « au-dessus de la Ligue 1 ». Sans réel moyen de vérifier cette déclaration, on peut tout de même remarquer la bonne performance d’Al-Hilal à la dernière Coupe du monde des clubs. Le club saoudien, que peu attendaient, s’est hissé jusqu’en quarts de finale de la compétition en éliminant Manchester City.
Un championnat qui cherche son audience
Les clichés ont malgré tout la peau dure et les stars ne suffisent pas toujours pour intéresser le public. Les stades peinent à se remplir et les matchs ont du mal à trouver une audience à l’étranger. Diffusée par Canal+ en France, la chaîne n’a pas renouvelé son contrat avec la SPL, faute d’audiences suffisantes. De nombreux matchs ne dépassaient même pas les 5 000 téléspectateurs, selon Le Parisien.
Et si le championnat saoudien se développe, mais que personne ne peut le voir, c’est un gros problème pour ses organisateurs. Alors, diffuser gratuitement certains matchs via un streamer populaire comme Zack Nani pourrait être une solution. « Lui et ses invités [qui viendront commenter les matchs], ce sont des personnalités qui sont suivies par les jeunes. Et quoi de mieux pour donner de l’intérêt à un championnat que de le faire découvrir à la jeunesse ? On verra si ça continue sur la durée, mais ils vont grandir avec le championnat », analyse le co-fondateur de SPL Actu, confiant que la Saudi Pro League trouvera une nouvelle audience.
Le championnat saoudien reprendra le jeudi 28 août. Reste à voir si au-delà de l’effet de lancement qui attirera sûrement du monde, la SPL réussira à intéresser les fans de football durant toute la saison.
Avec AFP