Dans le Sahel, les nouvelles ne sont pas bonnes pour le Niger, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad.
Et pour cause, les jihadistes profitent de l’absence de coopération sécuritaire entre les États de la région.
C’est l’analyse faite par le directeur de l’Institut de recherche stratégique, Lassina Diarra, qui note une résurgence des attaques terroristes au Sahel notamment au Niger, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad.
Ci-dessous, l’intégralité de ses propos sur la question :
RFI: Comment expliquez-vous ce regain d’assurance du groupe État islamique en Afrique de l’ouest (Iswap) ?
Lassina Diarra : L’Iswap a réussi à recruter significativement des combattants locaux, surtout au sein des miliciens Lukawara, et ces nouvelles « ressources humaines » lui permettent d’être encore plus offensif.
L’Iswap a compris qu’il était important d’exister pour contrer son rival d’al-Qaïda, incarné dans la région par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim).
Donc l’Iswap est actuellement dans une guerre de survie. Ses combattants avaient tenté de s’implanter à la frontière entre le Burkina Faso et le Bénin, sans succès.
Ils essaient de se recomposer autour du bassin du lac Tchad avec le groupe Lukawara, composé de chasseurs traditionnels et d’agriculteurs déçus par l’État nigérian.
Ils sont apparus pour la première fois dans le nord-ouest du Nigeria en 2018. Originellement organisés en groupes d’autodéfense, les Lukawara se sont radicalisés dans un premier temps en commettant des actes de banditisme, avant leur rapprochement idéologique avec l’Iswap.
Depuis fin 2024, l’armée du Nigeria les considèrent désormais comme un nouveau groupe d’insurgés.
Mais lors des affrontements à Diffa, l’armée du Niger est parvenue à contrer l’offensive de l’Iswap et l’a repoussé de l’autre côté de la frontière…
Ces attaques s’inscrivent dans une dynamique globale. Le Jnim est en train de progresser vers le golfe de Guinée.
Donc il y a une question de dimension territoriale à couvrir pour ces groupes rivaux, l’Iswap s’efforçant de prendre le bassin du lac Tchad.
De plus, le Jnim fait des propositions politiques en engageant des négociations avec les États afin d’arriver à des compromis politiques.
L’Iswap, par sa tradition guerrière en termes de jihad, s’oppose à cette nouvelle orientation stratégique.
Il pourrait y avoir très bientôt un retour des combats entre les membres de l’Iswap et ceux du Jnim.
Il y a eu le retrait du Niger de la Force multinationale mixte en mars 2025, et la rancune que le président du Niger, le général Abdourahmane Tiani, entretient envers son homologue du Nigeria Bola Tinubu (qui s’était montré particulièrement favorable à une intervention militaire de la Cédéao après le coup d’État de 2023 contre le président élu Mohamed Bazoum). Ces facteurs ont-ils servi de catalyseur pour l’Iswap ?
Effectivement, l’absence de coordination régionale et les dissensions entre les États nuisent à toute réponse anti-terroriste robuste et homogène.
Il y a un vrai problème de coopération sécuritaire dans la région, ce dont profitent les jihadistes pour se repositionner. Tout cela a créé un environnement propice au réveil remarqué de l’Iswap.
Les États sahéliens se trouvent dans une fragilité institutionnelle et sécuritaire actuellement, ce qui offre à l’Iswap la possibilité de faire parler de lui à nouveau et tenter une nouvelle offensive au Sahel.