Une rivalité géopolitique avec l’Ouganda a été la principale cause du soutien du Rwanda à la résurgence en 2021 de la rébellion du M23 dans l’est de la République démocratique du Congo, affirment deux groupes de recherche liés à l’université de New York dans un rapport publié mardi.
Le M23 (« Mouvement du 23 mars »), une rébellion majoritairement tutsi qui s’est emparée de vastes pans de territoire dans l’Est de la RDC depuis novembre 2021, « est surtout apparu comme un moyen pour le Rwanda de projeter son influence contre son voisin du nord, l’Ouganda », assurent les chercheurs du groupe d’Études sur le Congo basé à l’université de New York, et l’institut congolais Ebuteli.
En 2021, l’armée ougandaise s’est déployée dans le nord-est de la RDC pour assister les forces congolaises contre les rebelles des Forces démocratiques alliés (ADF) affiliés au groupe État islamique.
Les partenariats économiques et sécuritaires mis sur pied entre Kinshasa et Kampala en 2021 ont « contribué à donner à Kigali le sentiment d’être marginalisé dans la région et de voir ses intérêts menacés », et « ce sentiment d’isolement a été l’un des principaux moteurs de son soutien au M23 », assurent les auteurs du texte.
« Le M23 a agi contre les intérêts de l’Ouganda pendant une période (novembre 2021 – mars 2022) où les relations entre l’Ouganda et le Rwanda étaient encore tendues, avant que ces pays ne trouvent un terrain d’entente et commencent progressivement à soutenir conjointement le M23, à partir d’avril 2022 », ajoutent-ils.
Kigali estime que la présence dans l’est de la RDC des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe rebelle rwandais formé par d’anciens hauts responsables hutu du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, et réfugiés en RDC depuis, constitue une menace permanente à ses frontières et pour les communautés tutsi établies en RDC.
Mais « contrairement aux récits du gouvernement rwandais et du M23 affirmant que la rébellion est apparue en réponse au soutien du gouvernement congolais aux FDLR et à la violence et aux discriminations contre les Tutsi, notre rapport suggère que ces dynamiques sont davantage des conséquences que des causes de la résurgence du M23 », selon ces chercheurs.
« Il n’y a guère de preuve d’une recrudescence des violences anti-Tutsi au Nord-Kivu avant la résurgence du M23 », tandis que « la montée en puissance du M23 a renforcé ces tensions ethniques et les discriminations plus qu’il ne les a empêchées », assure le rapport.
– Le Rwanda, allié important des occidentaux –
De son côté, le gouvernement congolais a notamment recouru à des groupes armés étrangers et locaux, qui « recrutent principalement sur une base ethnique, ce qui a aggravé les tensions communautaires et régionales », estiment les chercheurs.
Jusqu’à fin 2023, les autorités rwandaises démentaient publiquement avoir déployé leur armée aux côtés des rebelles du M23, mais elles ne l’ont plus contesté depuis le début de l’année.
Depuis plusieurs mois, les États-Unis, la France, la Belgique et l’Union européenne demandent au Rwanda de retirer ses militaires et ses missiles sol-air du sol congolais et de cesser son soutien au M23 – demandes restées jusque-là sans effet.
« La position du Rwanda sur la scène internationale n’a été que peu affectée par son implication », estiment les auteurs du rapport.
« La puissance militaire du Rwanda, qui lui a permis de devenir un allié important des Occidentaux et un acteur-clef du système des Nations unies en Afrique, est certainement parmi les raisons de cette indulgence », disent-ils.
L’est de la RDC, riche en minerais, est ravagé depuis trente ans par des combats entre groupes armés locaux et étrangers, qui remontent aux guerres régionales des années 1990.
Avec AFP