RDC : les déplacés forcés de partir après l’arrivée du M23

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Crédit Photo : RFI

La forêt de bâches blanches a laissé place à un désert. L’immense camp de déplacés de Kanyaruchinya, situé en périphérie de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), s’est presque entièrement vidé après la prise de la ville par le M23 et l’armée rwandaise.

Auparavant, des centaines de milliers de déplacés y vivaient dans des conditions d’hygiène et de sécurité effroyables, comme dans toute la périphérie de Goma.

Cette ville d’un million d’habitants, capitale de la province du Nord-Kivu, a vu sa population presque doubler au fil des vagues de violences qui endeuillent l’est de la RDC depuis plus de trente ans.

Mais dimanche 2 février 2025, il ne reste plus rien ou presque de cette ville de plastique qui s’étendait là depuis des années, au pied du volcan Nyiragongo, à la frontière rwandaise.

À perte de vue, s’étendent désormais de petits carrés de caillasse noire délimitant d’anciennes habitations disparues, jonchés de détritus abandonnés par leurs occupants.

Au bord de la route, un convoi de camions bondés embarque les retardataires. « J’étais une déplacée arrivée ici sans rien. Aujourd’hui, je repars comme je suis venue », déplore Denise Zaninga, assise à l’arrière de la benne.

Sa destination est incertaine : « Je pars, mais je ne sais pas où je vais habiter », confie-t-elle.

La ligne de front, qui séparait les positions de l’armée congolaise de celles du groupe armé antigouvernemental M23 et des troupes rwandaises, a disparu depuis la prise de la ville par ces derniers, au prix de combats meurtriers.

Les territoires voisins sont désormais accessibles par la route qui file vers le nord à travers la plaine, jalonnée de postes militaires abandonnés et de blindés carbonisés, réduits à l’état de carcasses rouillées.

« Une vie de souffrance »

« La vie dans le camp était une vie de souffrance, une vie de faim », témoigne Christine Bwiza, une autre déplacée.

Mais il n’y a pas de scène de liesse pour ces déplacés enfin autorisés à rentrer chez eux. « Là où nous allons, nos maisons sont détruites, nos enfants sont portés disparus à cause de la guerre, et nous rentrons le ventre vide », s’inquiète-t-elle.

À ses côtés, Aline Irafasha se dit « heureuse de partir », malgré un avenir incertain. « La faim va nous tuer là où nous allons, mais il vaut mieux souffrir chez soi. »

Ces déplacées affirment avoir vendu leurs bâches pour quelques centaines de francs congolais (moins d’un dollar). Le trajet en camion coûte 10 000 francs congolais (environ 3 dollars), selon elles. Mais le chauffeur, lui, assure que le M23 a loué le véhicule et payé le transport.

« J’aurais bien voulu rester ici, car je recevais un peu de nourriture », confie Denise Zaninga.

Des pressions sur les déplacés

L’arrivée du M23 n’a toutefois pas laissé le choix aux habitants du camp de Kanyaruchinya. Le groupe armé a fait du retour des déplacés l’un de ses objectifs.

Certains affirment avoir subi des pressions pour partir, mais la plupart disent avoir préféré rentrer d’eux-mêmes, avant d’y être contraints.

Un camion s’ébranle vers une destination inconnue, ses passagers bringuebalant à l’arrière.

Ce départ satisfait certains habitants originels des lieux. Leurs maisons de planches se dressent désormais seules au milieu des gravats. Devant l’une d’elles, Elizabeth Base Sembimbi découpe des pommes de terre, l’air blasé.

« Ici, nous avions des champs », dit-elle d’une voix morose, en désignant le champ de ruines devant elle, « mais nous avons dû arrêter de récolter à cause des vols ».

Elle se dit prête à reprendre les travaux agricoles. Quant aux espaces laissés vacants, sa famille espère y reconstruire des maisons en dur, après quatre années d’occupation de sa parcelle par des tentes.

Au bord de la route, des hommes en armes visiblement des soldats rwandais  patrouillent à pied et inspectent les échoppes.

Leur présence inquiète. Un habitant raconte qu’à la nuit tombée, les nouveaux maîtres des lieux forcent les portes des maisons pour y chercher des armes et contraignent des jeunes à transporter de l’eau et de la nourriture sur de longues distances, sans rémunération.

« Les gens commencent à avoir peur. Nous ne pouvons rien dire. Nous nous taisons et nous observons », souffle-t-il.

Avec AFP

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