La RD Congo prolonge son embargo sur certains de ses minerais. Six mois supplémentaires d’interdiction pour le commerce des minerais extraits dans l’est du pays. Le ministre Louis Watum Kabamba a signé l’arrêté le 3 novembre. Trente-huit sites sont concernés dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu. Du coltan, de la cassitérite, de la wolframite. Ces matières premières entrent dans la fabrication de l’étain, du tantale et du tungstène, trois métaux indispensables à l’industrie électronique mondiale.
La mesure, instaurée initialement en février, répond à des preuves attestant que des réseaux d’approvisionnement illégaux continuent de financer les groupes armés. Les provinces orientales du pays subissent depuis des décennies un conflit sanglant. Les rebelles du M23, appuyés par le Rwanda selon les autorités congolaises, contrôlent désormais d’importantes portions du territoire. Depuis avril 2024, ils occupent Rubaya, qualifiée par l’ONU de plus grande mine de coltan de la région des Grands Lacs, représentant 15 % de la production mondiale. Bref, une fortune.
Les mineurs descendent chaque jour avant l’aube dans des galeries dangereuses. Certains enfants n’ont pas dix ans. Le M23 impose des taxes sur le commerce et le transport de 120 tonnes de coltan par mois, générant au moins 800 000 dollars mensuels. L’argent alimente la machine de guerre. Les Nations unies ont publié en décembre 2024 un rapport accablant. La contrebande finance les opérations militaires, nourrit une économie parallèle et entretient un cycle de violences ininterrompu.
Le ministère des Mines ne se contente pas d’interdire. L’arrêté prévoit des audits indépendants menés par des agences nationales ou internationales, dont l’ONU et l’OCDE. L’objectif : établir enfin une traçabilité fiable dans des chaînes d’approvisionnement notoirement opaques. Plusieurs partenaires internationaux et ONG dénoncent les failles persistantes des mécanismes de certification. Les réseaux clandestins contournent les règles, transportent les minerais à travers les frontières régionales, blanchissent la marchandise.
Apple visée par des plaintes de la RD Congo sur le minerai
Kinshasa intensifie la pression judiciaire. Le gouvernement a déposé en 2024 des plaintes pénales en France et en Belgique contre des filiales d’Apple. Les accusations portent sur l’utilisation dans leurs chaînes d’approvisionnement de minéraux pillés dans l’Est du pays, en contradiction avec les obligations déclaratives de l’entreprise au titre de la loi américaine sur les minerais de conflit. La firme de Cupertino rejette catégoriquement ces allégations. Elle affirme avoir ordonné à ses fournisseurs de cesser tout achat en provenance du Congo et du Rwanda.
L’affaire révèle la difficulté pour les géants technologiques de démontrer une traçabilité complète. Les chaînes d’approvisionnement impliquent des intermédiaires multiples, des réseaux opaques, des circuits détournés. Des tribunaux américains ont par ailleurs examiné des plaintes visant Apple, Google, Tesla, Dell et Microsoft concernant leur dépendance présumée au cobalt congolais extrait dans des conditions abusives. Les recours ont été rejetés. Mais la pression internationale sur les pratiques d’approvisionnement de ces entreprises ne faiblit pas.
Le président togolais Faure Gnassingbé, médiateur de l’Union africaine pour les Grands Lacs, l’a dit clairement lors de la conférence de Paris en octobre : « Tant que les minerais sortiront bruts et illégalement, la paix restera fragile ». Enfin, quelqu’un le dit. L’exploitation minière informelle et le commerce illicite des ressources continuent d’alimenter les groupes armés et d’appauvrir les communautés locales. Plus de 70 % des Congolais vivent avec moins de 2,15 dollars par jour, alors que le sous-sol regorge de richesses convoitées par le monde entier.
Les États-Unis ont sanctionné en août des groupes armés et des entreprises impliqués dans le trafic de minerais critiques. Le département du Trésor a visé des entités qui produisent et commercialisent des minerais de conflit à Rubaya. La communauté internationale multiplie les déclarations, les médiations, les sanctions. Sur le terrain, les hommes armés gardent les entrées des mines. Les convois chargés de coltan continuent de circuler la nuit vers le Rwanda. Les smartphones du monde entier contiennent peut-être un peu de cette terre ensanglantée.