Procès à Kinshasa de la rébellion du M23 : les 26 prévenus condamnés à mort

Procès à Kinshasa de la rébellion du M23 : les 26 prévenus condamnés à mort

Crédit Photo : RFI

Vingt-six personnes, dont 21 sont en fuite, ont été condamnées à la peine de mort par la justice militaire à Kinshasa pour leur participation à la rébellion du M23, mouvement soutenu par le Rwanda, qui continue à élargir son territoire dans l’est de la République démocratique du Congo.

Les prévenus étaient poursuivis pour « crime de guerre », « participation à un mouvement insurrectionnel » ou « trahison », des faits dont ils ont été reconnus coupables, sans admission de circonstances atténuantes, selon l’arrêt rendu par la cour militaire de Kinshasa-Gombe.

Le M23 (« Mouvement du 23 mars ») est une rébellion majoritairement tutsi qui s’est emparée depuis fin 2021 de larges pans de territoire du Nord-Kivu, jusqu’à encercler Goma, capitale provinciale.

Dans ce procès ouvert le 24 juillet, l’accusation avait réclamé 25 peines de mort et une peine de 20 ans de prison, tandis que la défense de cinq accusés présents au procès avait plaidé l’acquittement.

Le principal accusé, en fuite, est Corneille Nangaa, ancien président de la Commission électorale nationale (Céni) de la RDC, qui a annoncé en décembre dernier depuis Nairobi la création d’un mouvement politico-militaire, Alliance Fleuve Congo(AFC), incluant le M23, dont il est le coordonnateur. La cour a ordonné « la confiscation de ses biens » au profit de l’État congolais.

La liste des prévenus contient aussi les noms de figures parmi les plus connues du M23: son président Bertrand Bisimwa, son chef militaire Sultani Makenga, ses porte-parole Willy Ngoma et Lawrence Kanyuka.

Certains autres chefs du mouvement ne figurent pas sur cette liste, qui comporte en revanche les noms de membres du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) de l’ancien président Joseph Kabila (2001-2019) qui ont rejoint l’AFC.

Mardi, le président congolais Félix Tshisekedi a accusé M. Kabila de préparer une « insurrection » et d’appartenir à l’AFC.

Mandats d’arrêt international

Au début de l’audience jeudi, la cour a rejeté la demande d’un des prévenus jugés par défaut, Fabrice Lubala Ntwali, dont l’avocat présent a sollicité la réouverture de débats en sa faveur. La cour a exigé la présence physique de cet accusé.

Les cinq prévenus physiquement présents au procès, inconnus du grand public, ont cinq jours pour faire appel du jugement, a indiqué le président du tribunal, le colonel Robert Efomi.

Lors des débats, l’un d’eux a clamé son innocence et affirmé avoir été arrêté arbitrairement du fait de son patronyme (« Nangaa », comme Corneille Nangaa). Il a été condamné à mort contre l’avis du ministère public qui avait requis 20 ans de détention.

Son avocat, Me Peter Ngomo, s’est dit « très déçu » : « Quel est l’acte matériel qu’il a commis? Sinon seulement le simple fait de s’appeler Nangaa », a-t-il regretté, promettant de faire appel du jugement.

Mais pendant les interrogatoires, au moins deux prévenus ont reconnu et revendiqué leur appartenance à l’AFC.

« J’assume, je suis membre de l’AFC, à laquelle j’ai adhéré parce qu’il y a de l’injustice et de la discrimination dans ce pays », avait clamé Nkangya Nyamacho, alias Microbe. « Le pays va mal », avait-il ajouté.

En tant que chef de l’Alliance fleuve Congo, Corneille Nangaa est notamment considéré comme le commanditaire du bombardement en mai d’un camp de déplacés qui, selon les autorités congolaises, avait fait 35 morts.

La cour militaire a également reproché à M. Nangaa de « n’avoir pas pris toutes les mesures nécessaires pour empêcher ou réprimer les actes de viols commis par des hommes sous son autorité ».

Comme à l’ouverture du procès, le ministre de la Justice Constant Mutamba était présent à cette audience qui s’est tenue dans l’enceinte de la prison militaire de Ndolo à Kinshasa.

C’est du « bon droit » qui sert à « réparer moralement toutes les victimes » de la rébellion du M23, a-t-il déclaré aux médias.

Sur fond d’avancée de la rébellion du M23, Kinshasa a décidé en mars de lever un moratoire sur l’exécution de la peine de mort qui était en vigueur depuis 2003.

Selon le gouvernement, cette mesure, très critiquée par les organisations de défense des droits de l’Homme, cible en priorité les militaires accusés de trahison.

Depuis début juillet, une cinquantaine de militaires congolais ont été condamnés à la peine capitale dans l’est du pays pour « lâcheté » et « fuite devant l’ennemi ».

« Nous allons veiller à l’application de la peine de mort », a insisté le ministre de la Justice, promettant de lancer des « mandats d’arrêt » internationaux contre les personnes en fuite, dont Corneille Nangaa.

© AVEC AFP