Présidentielle de 2026 au Bénin : les coulisses de la désignation de Romuald Wadagni, candidat de la mouvance

Présidentielle de 2026 au Bénin : les coulisses de la désignation de Romuald Wadagni, candidat de la mouvance

Crédit Photo : libre-express

Pour la présidentielle de 2026, on en sait un peu plus sur les coulisses de la désignation de Romuald Wadagni, candidat de la mouvance.

Après deux mandats à la tête du pays, Patrice Talon promet de quitter le pouvoir en 2026. Mais il n’a rien laissé au hasard : son dauphin, Romuald Wadagni, est déjà adoubé.

Dans une Afrique de l’Ouest habituée aux présidents à vie, Patrice Talon détonne. Quand Alassane Ouattara brigue un quatrième mandat en Côte d’Ivoire, quand Faure Gnassingbé perpétue dynastie et pouvoir au Togo, et que l’Afrique centrale vit au rythme de monarchies républicaines, le président béninois promet : en 2026, il s’en ira.

Pas de tripatouillage constitutionnel, pas de manœuvre en coulisses. « Mon mandat s’achèvera en 2026 et je m’en irai », répète-t-il comme un leitmotiv. Dans la sous-région, cette promesse tient de la provocation. « Talon rompt avec la tradition du pouvoir conçu comme un capital patrimonial. En respectant la règle des deux mandats, il rehausse son image internationale. Mais ce choix transfère à son camp la responsabilité d’assumer une succession qu’il orchestre de manière implacable », analyse Paul Houndjo, politologue.

 Sous la paillote présidentielle, le casting du futur

Le 27 août dernier, la scène est digne d’un roman politique. À peine rentré de Paris, Patrice Talon reçoit Romuald Wadagni sous la paillote de sa résidence de Cotonou. Officiellement, le ministre vient rendre compte d’une mission en Asie. En réalité, l’entretien dure jusqu’au petit matin. Talon questionne, relance, observe. Comme un maître artisan, il teste son matériau : le sang-froid, les arguments, la vision. Wadagni comprend que c’est bien plus qu’un débriefing.

Le lendemain, changement de décor. Au palais présidentiel, c’est Joseph Djogbénou, ancien président de la Cour constitutionnelle et avocat de Talon, qui est convoqué. Dans son entourage, beaucoup le voient comme un dauphin possible. Lui-même n’écarte pas cette ambition. Mais face au président, le face-à-face tourne court. Talon demande : « Qui est capable de me succéder ? » Djogbénou hésite, bafouille, esquisse des arguments sans convaincre. Talon insiste, pousse, démonte. À la fin, un nom finit par s’imposer : Romuald Wadagni. L’échec de Djogbénou, pourtant juriste redouté, sonne comme une humiliation silencieuse. Dans les couloirs du palais, la sentence est claire : l’homme fort de l’UP-R s’est brisé sur la réalité du pouvoir.

La mécanique s’accélère. Les directoires du Bloc républicain et de l’Union progressiste le Renouveau sont consultés. La règle fixée par Talon est limpide : le futur candidat doit rassurer les bailleurs et maintenir le cap économique. Abdoulaye Bio Tchané, figure historique, s’efface, rattrapé par la limite d’âge. Le consensus se forge sans résistance : Wadagni incarne la continuité voulue. « Talon a géré la succession comme un chef d’entreprise choisit son directeur général. Plutôt que de céder aux compromis politiques, il a misé sur la rationalité technocratique. Wadagni rassure les marchés, mais ce choix frustre certains barons », commente Adrien Menangon, membre de la mouvance présidentielle.

Wadagni, de technocrate à dauphin

À 48 ans, formé en France et aux États-Unis, ancien consultant chez Deloitte, Romuald Wadagni s’impose comme le dauphin. Sa nomination aux Finances en 2016 avait surpris. Neuf ans plus tard, il incarne la continuité et la stabilité.

Dès l’annonce, Wadagni s’active. Objectif : transformer une désignation présidentielle en dynamique collective. Depuis Paris, l’ancien président Nicéphore Soglo, affaibli par la maladie, envoie un message vidéo. La voix tremble, mais le symbole est fort : « J’apporte mon soutien à celui qui incarne la rigueur et sait convaincre les partenaires internationaux. »

Le lendemain, Wadagni rend visite à Adrien Houngbédji. La rencontre se termine dans une atmosphère chaleureuse, ponctuée d’accolades. L’ancien président de l’Assemblée nationale, longtemps arbitre du jeu politique, se range derrière l’ex-technocrate.

Quelques jours plus tard, l’ancien président de la Cour suprême Ousmane Batoko convoque la presse. Figure respectée, il déclare sans détour : « Wadagni est mon fils, je ne lui marchande pas mon soutien. » Dans un pays où les filiations politiques comptent, l’onction est précieuse. Ces gestes scellent la métamorphose : Romuald Wadagni, encore inconnu du grand public il y a dix ans, devient en quelques jours le candidat des grandes voix de la République. « Le choix de Wadagni est d’abord un message adressé aux marchés : la stabilité financière du Bénin prime. Mais cette approche technocratique peut buter sur la réalité électorale, plus sensible aux équilibres régionaux et partisans », prévient Axel Otodji, analyste financier.

En respectant la limitation de mandats, Patrice Talon se pose en modèle démocratique dans une région où les Constitutions se plient aux ambitions présidentielles. Mais en désignant lui-même son successeur, il verrouille la compétition et prend un risque : exposer sa mouvance à des fractures et confronter Wadagni à l’épreuve de l’urne. L’élection de 2026 dira si le pari de la continuité sera tenu.

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