Opep + : bientôt le monde en panne de pétrole ?

Pétrole au Niger : cet ennemi juré de la France veut aider Niamey à produire 100 000 barils/jour

Crédits photo : vichiel81 / Adobe Stock / CAPITAL

L’Opep+ a surmonté ses divergences ce jeudi 5 décembre 2024 en reconduisant ses réductions de production d’or noir et en étalant le calendrier de leur prochaine suppression pour éviter une débâcle des cours.

L’annonce, en grande partie attendue par le marché, a eu un effet très limité sur les prix du pétrole.

En théorie, le calendrier prévoyait que les huit pays membres du cartel à l’origine de coupes « volontaires supplémentaires » d’un total de 2,2 millions de barils par jour remontent graduellement leur volume à compter de janvier 2025.

Mais au vu du contexte économique morose, ils ont décidé de prolonger ces ajustements « jusqu’à mars 2025 », a annoncé l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) dans un communiqué à l’issue d’une rencontre par vidéoconférence avec ses alliés.

Ils seront ensuite « progressivement supprimés jusqu’à fin septembre 2026 », est-il précisé, c’est-à-dire sur 18 mois au lieu de 12 mois, indiquant une approche « très prudente de l’Opep+ », considère Jorge Leon, analyste chez Rystad Energy.

Selon Ole Hansen, analyste chez Saxo Bank, cette prudence laisse supposer que « l’Opep+ pourrait de nouveau repousser les coupes à l’avenir » si les conditions de marché ne sont pas réunies pour réintroduire des volumes sans que les prix ne plongent.

L’Arabie Saoudite, la Russie, l’Irak, les Emirats arabes unis, le Koweït, le Kazakhstan, l’Algérie et Oman, avaient déjà repoussé à deux reprises la réouverture des vannes, initialement prévue en octobre.

Préserver les recettes

Malgré ces reports, cette stratégie de raréfaction de l’offre n’a pas fait décoller les cours qui sont retombés depuis 2022 et restent aux alentours des 70 dollars depuis plusieurs mois.

Selon le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), « même si les coupes de production de l’Opep+ étaient maintenues, l’offre mondiale dépasserait la demande de plus d’un million de barils par jour l’an prochain ».

« Il n’y a pas la place pour du pétrole supplémentaire de l’Opep+ en 2025 », confirment les analystes de DNB, et la réintroduction de barils aurait fait plonger les cours de l’or noir.

Une situation incompatible avec la volonté de Ryad de préserver ses lucratives recettes. « Pour financer son programme de réformes Vision 2030, l’Arabie Saoudite a besoin de l’unité des membres de l’Opep+ et du respect des coupes », explique à l’AFP Amena Bakr, chez Energy Intelligence.

C’est elle qui est « la principale décisionnaire avec la Russie », rappelle une source proche de l’Opep.

Toutefois « certains membres de l’organisation disposent d’importantes capacités inexploitées » et ont fait savoir leur envie d’augmenter leur production, explique Jorge Leon, analyste chez Rystad Energy.

Plus tôt dans l’année, l’Irak et le Kazakhstan avaient été épinglés par le cartel pour une « surproduction de volumes » et avaient dû « présenter des plans d’ajustement afin de se mettre en conformité ».

Rencontre saoudo-émiratie

Les Emirats arabes unis, qui se sont vu accorder en juin dernier une hausse de 300.000 barils par jour pour 2025, cristallisaient les tensions avant la réunion, et devront finalement attendre le mois d’avril pour voir leur quota augmenter.

Toutefois, le pays excède « déjà la quantité de 2,9 millions qui leur est accordée », précise M. Hansen.

Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane s’était rendu dimanche aux Emirats arabes unis, pour sa première visite officielle chez ce voisin depuis trois ans.

« Les pays du Golfe ont des stratégies de long terme et veillent à la pertinence de l’industrie pétrolière », assure Mme Bakr, soulignant la capacité de l’alliance à trouver des compromis.

Par ailleurs, l’arrivée attendue à la Maison-Blanche de Donald Trump en janvier favorise l’attentisme. La nouvelle doctrine géopolitique des États-Unis pouvant faire bouger le prix de l’or noir, comme sur les dossiers de la guerre au Proche-Orient, des sanctions sur l’Iran ou des relations avec la Chine et la Russie.

L’Opep+ garde sous terre près de six millions de barils quotidiens, dont la tranche de 2,2 millions, au centre de l’attention lors de cette réunion.

Le cartel a également décidé de prolonger d’un an, jusqu’à fin 2026, les deux autres tranches de coupes.

Le prochain rendez-vous a été fixé au 28 mai 2025.

© AVEC AFP