Le spectre radioélectrique réunit désormais les trois capitales du Burkina Faso, Mali et Niger qui forment l’AES . Vendredi 21 novembre 2025, les pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) ont paraphé un accord de coordination des fréquences le long de leurs frontières communes. Le texte institue des procédures pour éviter les interférences et les brouillages dans une bande de 15 km de chaque côté des limites territoriales. Cette signature intervient lors de la Semaine du numérique à Ouagadougou, où convergent les délégations officielles du Niger et du Mali.
Le colonel Idrissa Chaibou parle d’une question de souveraineté. Le directeur général de l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste du Niger a coprésidé la cérémonie aux côtés de ses homologues burkinabè et malien. « Le spectre constitue une ressource vitale pour les communications mobiles, la radiodiffusion, les services de sécurité et l’essor des technologies émergentes », indique le ministère malien de la Communication dans son communiqué diffusé après la signature. Le document remplace un ancien accord datant de 2018 et élargit considérablement le champ d’application.
Les trois autorités de régulation s’engagent sur plusieurs points concrets. Elles harmoniseront les paramètres techniques et les procédures de coordination des fréquences. Elles organiseront des rencontres régulières pour résoudre les problèmes d’interférences aux frontières. Elles mettront en place des mécanismes d’échange d’informations entre elles. Bref, elles construisent une architecture de coopération permanente dans un domaine où chaque mégahertz compte.
Cette signature s’ajoute à une série d’accords récents. Le 18 novembre, trois jours plus tôt, les autorités de protection des données personnelles des pays membres avaient adopté une feuille de route commune pour renforcer leur souveraineté numérique. Ce document prolonge le travail du Cadre de concertation créé en avril 2025 entre les trois instances. Enfin, début novembre, les dirigeants s’étaient engagés à combattre ensemble les cyberattaques sophistiquées, la désinformation, l’escroquerie électronique et l’infiltration de systèmes sensibles.
L’ambition numérique de l’Alliance des États du Sahel ne date pas d’hier. En novembre 2024, lors de la même manifestation annuelle à Ouagadougou, les trois pays avaient conclu une convention visant à supprimer les frais d’itinérance téléphonique. Le free roaming devait entrer en vigueur le 1er janvier 2025. Or, près d’un an plus tard, aucune communication officielle ne confirme son application effective sur le terrain. Les opérateurs télécoms maintiennent pour l’instant leurs grilles tarifaires classiques pour les appels transfrontaliers.
Les trois États planifient également l’acquisition de satellites pour renforcer leurs infrastructures télécoms. Le Burkina Faso a déjà signé vendredi un accord de free roaming avec le Ghana, son voisin du sud. Cette ouverture vers Accra montre que l’intégration numérique ne se limite pas aux frontières de l’AES. Le Togo exprime lui aussi son intérêt pour rejoindre ces arrangements, selon les déclarations de Michel Yaovi Galley, directeur général de l’ARCEP togolaise présent à Niamey en novembre 2024.
Les projections économiques donnent le vertige. Une étude conjointe de la Société financière internationale et de Google estime que l’économie numérique africaine pourrait atteindre 712 milliards de dollars en 2050, représentant 8,5 % du produit intérieur brut continental. Le Mali, le Niger et le Burkina Faso veulent capter une part de cette croissance future en mutualisant leurs efforts.
La feuille de route commune élaborée fin 2024 couvre plusieurs domaines stratégiques : la régulation harmonisée, la cybersécurité, l’interconnexion des réseaux, la formation aux technologies de l’information et la modernisation des infrastructures. Les trois pays envisagent même une chaîne de télévision commune et ont déjà mis en place les bases d’une radio AES dont le lancement approche.
Cet accord sur les fréquences radioélectriques constitue donc un nouveau jalon dans la construction d’un espace numérique intégré au Sahel. Les régulateurs nationaux disposent maintenant d’outils juridiques et techniques pour coordonner le déploiement de la 5G et des futures générations de télécommunications. Reste à transformer ces textes en réalités opérationnelles pour les 80 millions d’habitants que comptent ensemble ces trois nations.