Dans les étendues désertiques du sud libyen, un coup de filet vient d’ébranler les derniers soutiens actifs de l’ancien président du Niger, Mohamed Bazoum.
En effet, selon plusieurs sources dont l’AFP et RFI, Mahmoud Sallah, figure de proue de l’opposition armée au régime militaire de Niamey, aurait été capturé ce dimanche 23 dimanche 2025 par les forces fidèles au maréchal Haftar, portant un nouveau coup sévère aux partisans de Mohamed Bazoum.
Toujours d’après les mêmes sources, l’homme fort du Front patriotique pour la libération (FPL) a été arrêté à Qatrun, localité libyenne proche de la frontière du Niger, lors d’une opération menée par l’unité 87 de l’Armée Nationale Libyenne.
Cinq de ses lieutenants ont également été appréhendés dans ce raid matinal qui marque un tournant dans la traque de ce chef rebelle déterminé.
Un juriste devenu chef de guerre après le renversement de Mohamed Bazoum au Niger
Juriste de formation et originaire de la région pétrolifère du Kawar, Mahmoud Sallah s’était imposé comme une figure centrale de la résistance contre la junte au pouvoir à Niamey.
Son mouvement, créé dans la foulée du coup d’État de juillet 2023 qui renversa Mohamed Bazoum, revendiquait ouvertement le retour à l’ordre constitutionnel et la libération de l’ancien président, toujours détenu avec son épouse.
Le FPL avait fait parler de lui en juin 2024 en revendiquant le sabotage d’un oléoduc stratégique reliant le Niger au Bénin, démontrant sa capacité à frapper des infrastructures clés.
Composé principalement de combattants Toubous, ethnie transfrontalière présente au Niger, au Tchad et en Libye, le groupe bénéficiait d’une connaissance approfondie de ce territoire désertique aux frontières poreuses.
Un mouvement en perte de vitesse
« Ce qui s’est passé, c’est que l’armée de Haftar, et plus précisément Saddam et Khaled Haftar, les deux fils les plus actifs, les deux généraux qui mènent de facto l’armée de Haftar – le père n’est plus du tout aussi actif qu’autrefois – ont pris une décision assez radicale », analyse Jalel Harchaoui, chercheur au Royal United Services Institute de Londres.
Cette décision concernait la destruction d’une brigade importante, la Brigade 128, composée d’environ 8 000 hommes appartenant à la tribu arabe des Ouled Slimane – la même que celle du président Bazoum.
« Aujourd’hui que la Brigade 128 a été de facto détruite, il n’y a plus de raison d’avoir cette retenue », poursuit le chercheur, expliquant ainsi pourquoi Sallah, qui bénéficiait jusqu’alors d’une forme de protection tacite, s’est retrouvé soudainement exposé.
Cette arrestation intervient dans un contexte d’affaiblissement du FPL, marqué par des défections significatives, notamment celle de son porte-parole Idrissa Madaki, qui s’était rendu aux autorités nigériennes en novembre 2024.
Un rapprochement Niamey-Benghazi
La capture de Mahmoud Sallah s’inscrit également dans le cadre d’un rapprochement notable entre le régime militaire nigérien et l’est libyen contrôlé par le maréchal Haftar.
Cette dynamique s’était concrétisée en août dernier par une visite du ministre nigérien de l’Intérieur, Mohamed Boubacar Toumba, à Benghazi, suivie par la réactivation d’accords sécuritaires bilatéraux.
Pour le régime de Niamey, cette arrestation représente une victoire symbolique face à l’un de ses opposants les plus virulents, accusé « d’actes terroristes » et « d’intelligence avec une puissance étrangère ».
Déchu de sa nationalité en novembre dernier, en même temps que sept autres figures proches de l’ancien président du Niger, Mohamed Bazoum, Mahmoud Sallah voit son avenir s’assombrir considérablement.
La question de son éventuelle extradition vers le Niger reste cependant en suspens, soumise aux complexités des relations entre Tripoli et l’est libyen, où les rivalités politiques et les agendas locaux prédominent souvent sur les considérations diplomatiques traditionnelles.
Une région toujours instable
Cette opération met en lumière, une fois encore, la porosité des frontières sahéliennes et le rôle de la Libye comme refuge ou base arrière pour divers mouvements armés.
Alors que le FPL perd son chef charismatique, d’autres groupes favorables à Mohamed Bazoum, comme le Front Patriotique pour la Justice, pourraient tenter de prendre le relais.
Pour les partisans de l’ancien président nigérien, maintenu en résidence surveillée depuis plus d’un an et demi, cette arrestation constitue indéniablement un revers majeur.
Elle témoigne de l’efficacité croissante de la coopération sécuritaire régionale mise en place par le régime militaire de Niamey avec certains acteurs clés de la région.
Mais dans les étendues infinies du Sahel, où les frontières se dissolvent dans le sable, rien n’est jamais définitivement acquis.
L’histoire récente de cette région tourmentée nous rappelle que les mouvements de résistance savent se réinventer, même après avoir subi des coups qui semblaient fatals.