Mines : la CEDEAO veut tout changer avec un nouveau cadre minier

mines CEDEAO

Crédits photo : Logo officiel de la CEDEAO

Lagos a accueilli une réunion technique du 10 au 15 novembre 2025 où les experts nationaux des États membres de la CEDEAO ont finalisé l’examen du projet de Politique révisée de développement des mines, communément appelée EMDP 2024.

Cette rencontre, la troisième consacrée à cette révision, a réuni des hauts responsables des ministères en charge des ressources minérales, des représentants de la Fédération des chambres des mines de la CEDEAO et des membres du personnel de la Commission.

La première version datait de 2012. L’Autorité des chefs d’État et de gouvernement l’avait adoptée pour harmoniser les stratégies nationales conformément au Traité révisé de 1993, qui engage les pays à coordonner leurs programmes d’exploitation des ressources minérales et hydriques. Douze ans après, le secteur a profondément évolué. Les enjeux de gouvernance se sont multipliés. Bref, l’ancien texte ne correspondait plus aux réalités du terrain.

La révision vise à aligner le dispositif régional sur la Vision 2050 de la CEDEAO, la Vision minière africaine et les meilleures pratiques internationales. Les experts ont mené des discussions approfondies durant cinq jours, échangé leurs expertises et affiné les orientations politiques communes. Le communiqué publié par la Commission indique que l’objectif consiste à promouvoir un secteur minier performant, davantage intégré et capable de stimuler le développement économique régional.

L’Afrique de l’Ouest concentre des richesses minérales considérables. Le Mali, le Burkina Faso et le Ghana figurent dans le top 10 des producteurs d’or mondiaux. Ce trio détient 15 % des réserves planétaires du métal jaune. La Guinée possède à elle seule le quart des réserves mondiales de bauxite. Pourtant, ces ressources ne profitent guère aux populations locales. La transformation sur place reste marginale. Les multinationales exportent les minerais bruts. Les États encaissent des redevances dérisoires.

Adama Soro, président de la Fédération des chambres des mines de la CEDEAO, a souligné lors du Salon international des mines au Sénégal en novembre 2025 que l’Afrique devait être maîtresse de ses richesses. Selon lui, la souveraineté économique devient une nécessité vitale dans un contexte de transitions écologique et industrielle. Le continent se trouve au centre des convoitises mondiales pour ses métaux stratégiques. Enfin, les pays producteurs peinent encore à capter la valeur ajoutée de leurs sous-sols.

La version finalisée du projet EMDP 2024 sera soumise aux instances compétentes pour adoption. Le calendrier précis demeure inconnu. Les ministres devront examiner le texte avant sa présentation à l’Autorité des chefs d’État et de gouvernement. Cette adoption pourrait intervenir lors d’un prochain sommet de la CEDEAO, probablement en 2026.

Cette réforme intervient dans un contexte régional complexe. Le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont quitté la CEDEAO le 29 janvier 2025 pour former l’Alliance des États du Sahel. Ces trois pays figurent pourtant parmi les plus riches en or et en phosphates de la région. Leur sortie fragilise la coordination régionale du secteur minier. Les mécanismes de contrôle transfrontalier se compliquent. Les flux d’exportation empruntent désormais des circuits détournés.

La politique révisée devra composer avec cette nouvelle donne géopolitique. Les experts ont travaillé sur des dispositifs permettant une coopération technique même avec des pays non membres. Les questions de traçabilité de l’or, de lutte contre les trafics et de régulation de l’orpaillage artisanal figurent parmi les priorités. Le document prévoit également des mécanismes pour attirer davantage d’investissements dans l’exploration géologique et la transformation locale.

L’EMDP 2024 devrait renforcer les obligations en matière de responsabilité sociale et environnementale des entreprises minières. Les communautés riveraines des sites d’exploitation réclament depuis longtemps une meilleure redistribution des revenus miniers. Les pollutions des cours d’eau par le mercure et le cyanure provoquent des catastrophes sanitaires. Les terres agricoles disparaissent sous les excavations. Le nouveau dispositif régional compte fixer des standards minimaux pour tous les pays membres.

La mise en œuvre constitue le véritable défi. De nombreux États ouest-africains disposent de codes miniers conformes aux recommandations internationales. Pourtant, l’application demeure lacunaire. La corruption gangrène l’attribution des permis d’exploitation. Les contrôles techniques s’effectuent rarement. Les sanctions financières ne dissuadent personne. Sans une volonté politique ferme, la Politique révisée de développement minier risque de rester lettre morte comme tant d’autres textes régionaux adoptés avec enthousiasme avant de sombrer dans l’oubli.

Continuez la discussion en temps réél !
Rejoignez notre chaîne WhatsApp