Mauvaise nouvelle pour Vincent Bolloré à cause de ports en Afrique

Vincent Bolloré Afrique

Crédits photo : L'Echo / AFP

Un collectif d’organisations en provenance d’Afrique vient de porter un coup sévère à l’empire Bolloré en déposant une plainte d’une ampleur inédite contre le milliardaire français Vincent Bolloré, son fils Cyrille et leur groupe.

Cette action judiciaire, révélée ce mercredi 19 mars 2025 par l’AFP, vise des accusations de recel et de blanchiment d’actifs liés à plusieurs concessions portuaires africaines gérées par l’entreprise jusqu’à la cession de ses activités sur le continent en 2022.

L’offensive juridique émane du collectif « Restitution pour l’Afrique » (RAF), qui rassemble une dizaine d’associations basées au Togo, en Guinée, au Ghana, en Côte d’Ivoire et au Cameroun.

Appuyé par un consortium international d’avocats, ce collectif entend mettre en lumière ce qu’il qualifie de « système Bolloré » déployé sur le continent africain pendant deux décennies.

Les plaignants dénoncent des pratiques systématiques : financement de campagnes électorales, nomination de responsables politiques comme administrateurs des filiales du groupe, et attribution de contrats sans appels d’offres.

La branche logistique africaine de Bolloré, fleuron du groupe jusqu’à sa vente récente, constituait un empire tentaculaire employant plus de 20 000 personnes dans plus de 20 pays et contrôlant un réseau de 16 concessions portuaires, complété par des entrepôts et des infrastructures routières et ferroviaires.

Les pays d’Afrique objets de la plainte envers Vincent Bolloré

La plainte vise spécifiquement des activités au Cameroun, au Ghana et en Côte d’Ivoire pour le chef présumé de recel, auxquelles s’ajoutent le Togo et la Guinée pour le blanchiment.

Ce n’est pas la première fois que le groupe Bolloré est confronté à des accusations de corruption en Afrique. La justice française enquête depuis 2013 sur des soupçons d’utilisation des activités de conseil politique de sa filiale Euro RSCG (devenue Havas) pour favoriser frauduleusement des campagnes présidentielles au bénéfice de Bolloré Africa Logistics.

Si le groupe a négocié un accord en versant une amende de 12 millions d’euros pour éviter les poursuites, Vincent Bolloré personnellement pourrait néanmoins faire face à un procès pour corruption et complicité d’abus de confiance, le parquet financier ayant requis en ce sens en 2024.

« Le groupe a déjà reconnu qu’il y avait une partie de ces activités qui avaient eu lieu. Est-ce que c’est l’arbre qui cache la forêt ? », s’interroge Me Antoine Vey, avocat parisien impliqué dans la procédure. Pour les plaignants, ces pratiques reconnues ne seraient que la partie émergée d’un système bien plus vaste.

La nouvelle plainte étend le champ des accusations à d’autres concessions portuaires majeures. Pour les ports de Douala et Kribi au Cameroun, de Tema au Ghana et d’Abidjan en Côte d’Ivoire, les plaignants évoquent des faits présumés de « recel » de favoritisme, de trafic d’influence ou encore de prise illégale d’intérêt.

Ces infractions auraient été commises par des responsables politiques ou administratifs locaux, mais auraient sciemment profité au groupe Bolloré pour l’obtention de concessions de terminaux à conteneurs.

Les exemples de dérives présumées sont nombreux et précis. Au Cameroun, un rapport de la commission nationale anti-corruption cité dans la plainte évoque 60 millions d’euros de redevances et d’amendes que le groupe Bolloré aurait « retenus » au lieu de les reverser à l’État.

Au Ghana, le consortium Bolloré/Maersk aurait convaincu en 2014 le président John Dramani Mahama d’attribuer le contrat du port de Tema à sa société « de manière secrète et sans appel d’offres », écartant 56 entreprises déjà positionnées.

La méthode retenue pour calculer la durée d’exploitation du port aurait entraîné « une perte nette de 4,1 milliards de dollars pour le Ghana ».

En Côte d’Ivoire, l’attribution du terminal à conteneurs d’Abidjan par le président Laurent Gbagbo en 2003, réalisée de gré à gré pour 15 ans, avait suscité l’indignation jusqu’au sein de la Banque mondiale, dont le directeur pays avait évoqué « un contrat qui déroge fondamentalement aux principes de la bonne gouvernance ».

L’autre volet majeur de la plainte concerne le « blanchiment » présumé des profits issus de ces concessions obtenues de manière supposément frauduleuse.

Les plaignants soulignent que ces concessions, regroupées au sein de Bolloré Africa Logistics, représentaient « une part substantielle de la valeur d’entreprise de cette filiale », vendue en 2022 pour 5,7 milliards d’euros à l’armateur italo-suisse MSC.

Cette démarche judiciaire marque une évolution significative dans le traitement des affaires de corruption internationale.

« Cette plainte se focalise sur les corrupteurs, c’est-à-dire ceux par lesquels l’argent est injecté dans des territoires dans lesquels, après, il est blanchi », explique Me Vey, alors que les affaires dites de « Biens mal acquis » ont jusqu’à présent essentiellement ciblé des dirigeants africains s’étant enrichis personnellement.

Jean-Jacques Lumumba, qui dirige le collectif RAF, résume l’objectif de cette action : « Cibler l’argent sale qui a été perçu par le corrupteur et le restituer aux peuples africains qui ont été lésés. »

Pour lui, les conséquences de ces pratiques sont concrètes et dramatiques : « C’est moins d’hôpitaux, moins d’écoles, moins de routes, moins de projets d’infrastructures. Et c’est un avenir qu’on est en train d’enlever à nos jeunes. »

Les plaignants espèrent voir s’appliquer la loi française de 2021 qui permet de financer des projets de développement dans des pays étrangers grâce aux avoirs saisis dans des affaires de « biens mal acquis« .

Continuez la discussion en temps réél !
Rejoignez notre chaîne WhatsApp