Les Suisses font face à un désaccord croissant entre décisions politiques et sentiment populaire concernant sa stratégie d’armement.
Un sondage publié les 13 et 14 avril 2025 par Tamedia, indique qu’une majorité significative de citoyens rejette l’acquisition d’avions de combat F-35 américains.
Ce rejet intervient alors que les relations transatlantiques se tendent, notamment depuis l’annonce récente de nouvelles barrières douanières américaines.
Au-delà de la question militaire, ce sondage révèle une redéfinition des priorités stratégiques suisses et met en lumière les disparités d’opinion entre régions et groupes politiques.
Les Suisses tournent le dos aux F-35 : un rejet majoritaire et transversal
Selon les résultats du sondage Tamedia, réalisés les 31 mars et 1er avril 2025 auprès de 35 132 personnes, 66 % des Suisses se déclarent opposés à l’achat des F-35 américains.
Dans le détail, seuls 16 % des sondés se disent « tout à fait favorables » à cette acquisition, et 14 % « plutôt favorables », soit 30 % de soutien global.
Cette opposition traverse l’ensemble des courants politiques. Même parmi les sympathisants de l’Union démocratique du centre (UDC), la formation la plus favorable, seuls 44 % soutiennent encore ce contrat.
Le Parti libéral-radical (PLR) suit avec 40 %, tandis que les socialistes (12 %) et les Verts (9 %) s’y opposent presque unanimement.
Le clivage régional est également marqué. En Suisse romande, seuls 17 % des répondants se disent favorables au projet, contre 35 % en Suisse alémanique.
Ce fossé illustre des perceptions différentes quant au rôle de la neutralité, à la souveraineté technologique et au type de partenariat stratégique souhaité par la population.
Le rejet du F-35 ne porte pas seulement sur le coût ou les caractéristiques techniques de l’appareil. Il s’inscrit dans une dynamique plus large de défiance envers les États-Unis et d’intérêt croissant pour des partenariats européens.
Selon le même sondage, 82 % des personnes interrogées préféreraient désormais que la Suisse se tourne vers des fournisseurs européens pour ses achats militaires.
Une position partagée dans toutes les sensibilités politiques, y compris chez les électeurs UDC, dont 73 % se montrent hostiles au contrat conclu avec Washington.
Cette préférence pour l’Europe s’exprime aussi dans le cadre plus large de la coopération sécuritaire. 77 % des personnes sondées se disent favorables à un renforcement des relations avec l’Union européenne, et 71 % soutiennent une collaboration accrue avec l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN).
En revanche, seuls 37 % souhaitent une adhésion formelle à l’Alliance atlantique, confirmant l’attachement persistant de la population suisse à la neutralité.
Contrairement à une lecture rapide des chiffres, l’opposition au F-35 ne reflète pas une hostilité à la défense nationale. Au contraire, 42 % des personnes interrogées souhaitent que le budget de l’armée soit revu à la hausse, au-delà des montants prévus par le Parlement, contre 34 % qui jugent le niveau actuel suffisant et 18 % qui souhaitent une baisse.
Pour financer cet effort, les Suisses sont nombreux à proposer des redéploiements budgétaires. Trois quarts des partisans d’économies estiment que les réductions doivent porter sur les dépenses liées à l’asile, la moitié cite l’aide au développement, et 38 % évoquent la culture.
Ce positionnement reflète une hiérarchisation claire des priorités dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes.