Le Maroc se retrouve au cœur d’une inquiétude croissante : la directive bancaire européenne pourrait fragiliser un mécanisme vital pour son économie, à savoir les transferts d’argent effectués par sa diaspora.
En plaçant de nouvelles contraintes sur l’activité des banques étrangères présentes dans l’Espace économique européen, cette directive bancaire européenne menace directement le modèle marocain, qui a choisi depuis des décennies de s’appuyer sur sa diaspora pour alimenter ses réserves en devises.
En 2023, les envois de fonds des Marocains établis à l’étranger ont dépassé 11 milliards de dollars, soit plus de 7 % du PIB du pays. Ces flux, qui dépassent de loin les revenus du tourisme, ont toujours représenté une respiration financière essentielle.
Mais si les filiales marocaines installées en Europe voient leur marge de manœuvre se restreindre, une partie de ces transferts risquerait d’être freinée ou de passer par des circuits parallèles, plus coûteux pour les familles restées au pays.
Là où des pays comme le Nigeria misent surtout sur des opérateurs mondiaux ou des fintech, et où l’Égypte dépend surtout des fonds envoyés depuis le Golfe, le Maroc a intégré ses propres banques — Attijariwafa Bank, Banque Populaire, BMCE — dans la vie quotidienne de sa diaspora en Europe. Cette stratégie, qui permet un contrôle direct et un lien renforcé avec les expatriés, expose désormais le pays à une décision prise à Bruxelles sans considération particulière pour sa situation.
Conscient du risque, Rabat n’attend pas 2026 pour agir. Une cellule dédiée travaille déjà avec la Commission européenne et certains États membres pour obtenir des aménagements.
En parallèle, les autorités réfléchissent à diversifier les canaux de transfert : digitalisation des services, solutions de paiement alternatives et généralisation de la bi-bancarisation, afin que chaque Marocain installé en Europe puisse disposer de comptes dans les deux espaces financiers.
Mais au-delà des chiffres, c’est une dimension sociale et politique qui se dessine. Pour la diaspora, envoyer de l’argent ne représente pas seulement une opération bancaire, mais un geste de solidarité, un fil invisible qui maintient l’attachement aux proches et au pays. C’est aussi cette fidélité que le Maroc veut protéger, car elle participe autant à sa stabilité économique qu’à son équilibre national.
Les mois qui viennent seront décisifs : soit Rabat réussit à convaincre ses partenaires européens, soit il devra accélérer la mise en place d’alternatives solides.
Dans tous les cas, le royaume entend défendre ce pilier stratégique que constituent les transferts de sa diaspora.