Au Sénégal, une onde de choc traverse les milieux académiques après l’annonce de la nomination de l’ancien président Macky Sall à un poste prestigieux au sein de la Fondation Mo Ibrahim.
Cette institution, réputée pour son engagement en faveur de la bonne gouvernance africaine, fait face à une contestation d’envergure qui pourrait entacher sa crédibilité.
Le 8 avril 2025, la Fondation a officialisé l’intégration de Macky Sall à son Conseil et au Comité du Prix Ibrahim pour le leadership africain.
Une décision que Mo Ibrahim lui-même a qualifiée d’enrichissante pour son organisation, soulignant « l’expérience exceptionnelle » apportée par l’ancien chef d’État sénégalais et les autres nouveaux membres, parmi lesquels figurent Josep Borrell, Moussa Faki Mahamat et Lord Mark Malloch-Brown.
La réplique n’a pas tardé. Trois jours plus tard, une tribune signée par 64 intellectuels et universitaires sénégalais est venue contester frontalement cette nomination, jugée contradictoire avec les valeurs fondamentales défendues par l’institution.
« C’est une prime à la violation massive des droits humains », fustige Oumar Dia, maître de conférences en philosophie à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, dénonçant « la dérive dictatoriale palpable » qui aurait caractérisé le second mandat de Macky Sall.
Les signataires pointent notamment du doigt la tentative controversée de report de l’élection présidentielle en février 2024, finalement annulée par le Conseil constitutionnel dans un contexte de vives tensions politiques. Un épisode qui reste gravé dans la mémoire collective comme le symbole d’une dérive autoritaire.
Cette fronde intellectuelle place désormais la Fondation Mo Ibrahim face à un dilemme : maintenir sa décision au risque d’écorner son image de gardienne des principes démocratiques, ou céder à la pression en retirant Macky Sall de ses instances. Dans leur texte, les universitaires exhortent sans ambiguïté l’organisation à opter pour la seconde option.
Pour l’ancien président, cette contestation surgit à un moment où il tentait de reconstruire sa stature internationale après une fin de mandat mouvementée.
L’affaire dépasse le cadre sénégalais pour interroger plus largement la cohérence entre les discours et les actes des organisations internationales engagées pour la démocratie en Afrique. Au-delà du cas Macky Sall, c’est la question des critères de légitimation des anciens dirigeants qui se trouve posée avec acuité.