Soucieuse d’éviter une guerre commerciale aux « conséquences désastreuses », l’Union européenne a tendu la main à Donald Trump pour qu’il renonce aux droits de douane, tout en menaçant de s’en prendre aux géants de la tech.
Les Vingt-Sept envisagent « d’attaquer les services numériques » américains, a affirmé la porte-parole du gouvernement français, Sophie Primas. « Tout est sur la table », a confirmé à Berlin le vice-chancelier allemand Robert Habeck.
Mais, en montrant les muscles, les Européens espèrent surtout pousser l’administration américaine à négocier, confiants dans la force de dissuasion que représente leur marché intérieur de 450 millions de consommateurs.
Les nouvelles taxes annoncées par le président américain sont « un coup dur » pour l’économie mondiale, a souligné la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en regrettant « profondément » cette décision.
« Les conséquences seront désastreuses pour des millions de personnes dans le monde », a-t-elle averti, depuis Samarcande, en Ouzbékistan, où elle participe à un sommet Union européenne-Asie centrale.
« Des millions de citoyens devront faire face à des coûts plus élevés pour l’alimentation. L’inflation augmentera », a expliqué la présidente de l’exécutif européen, chargée de mettre en œuvre la politique commerciale de l’UE au nom des 27 pays membres.
L’Europe « unie »
Pour éviter une escalade funeste, l’Europe continue donc de promouvoir le dialogue.
« Il n’est pas trop tard pour répondre aux préoccupations par les négociations », a déclaré Mme von der Leyen, soulignant que le commissaire européen au Commerce, Maros Sefcovic, était « en contact permanent » avec ses homologues américains.
« Nous nous efforcerons de réduire les obstacles et non de les élever », a-t-elle martelé, reprenant la ligne déjà exprimée depuis l’entrée en vigueur le 12 mars des taxes américaines de 25% sur l’acier et l’aluminium.
L’Europe répondra « de manière unie, forte et appropriée », a assuré le chancelier allemand Olaf Scholz, alors que les Vingt-Sept semblent avoir pris un soin particulier à aligner leurs éléments de langage.
A l’unisson, la Première ministre Giorgia Meloni a également dit vouloir « parvenir à un accord avec les Etats-Unis, afin d’éviter une guerre commerciale qui affaiblirait inévitablement l’Occident au profit d’autres acteurs mondiaux ». Elle a annulé tous ses engagements pour ce jeudi 3 avril 2025 dans le but de se concentrer sur les réponses à apporter aux droits de douane américains.
Le président français Emmanuel Macron avait émis l’espoir la semaine dernière que Donald Trump puisse « revenir » sur sa décision.
Mais les Européens sont aussi « prêts à réagir », a mis en garde Ursula von der Leyen. Fait rare et signe de la gravité du moment, elle a prononcé son allocution trois fois successivement, en trois langues : anglais, français puis allemand.
Washington « se retourne contre ses alliés » dont l’Union européenne
L’UE avait déjà annoncé qu’elle appliquerait à partir de mi-avril des droits de douane « forts mais proportionnés » sur une série de produits importés des Etats-Unis comme les bateaux, les motos ou le bourbon.
« Nous nous préparons maintenant à d’autres contre-mesures pour protéger nos intérêts et nos entreprises si les négociations échouent », a annoncé jeudi Mme von der Leyen.
Outre d’éventuelles taxes sur les fleurons américains des technologies numériques, l’Europe envisage aussi de réduire « l’accès (aux) marchés publics » des firmes américaines, a souligné à Paris Sophie Primas. Washington « se retourne contre ses alliés », a déploré le Premier ministre français, François Bayrou.
Donald Trump a lancé mercredi soir une offensive commerciale en annonçant des droits de douane très lourds en particulier contre l’Asie et l’Union européenne, au risque d’asphyxier l’économie mondiale, mais aussi américaine.
L’offensive protectionniste de la Maison Blanche, sans équivalent depuis les années 1930, passe par un droit de douane plancher supplémentaire de 10% sur toutes les importations et par des majorations pour les pays jugés particulièrement hostiles en matière commerciale.
L’addition est astronomique pour la Chine, dont les produits feront l’objet d’une nouvelle taxe à l’importation de 34% s’ajoutant aux 20% de droits de douane additionnels déjà mis en place par l’administration Trump.
Les marchandises de l’UE subiront 20% de taxes.
© Agence France-Presse