Dans des abris de fortune dépourvus du minimum vital, entourés de tas d’ordures et bordés de routes poussiéreuses, des milliers de migrants africains, principalement des Somaliens, au Yémen vivent dans une pauvreté écrasante, dans le quartier d’Aden surnommé « Little Mogadishu ».
Le Yémen, le pays le plus pauvre de la péninsule Arabique, n’est pas une destination en soi pour les migrants, mais une étape pour ceux qui quittent l’Afrique de l’Est dans l’espoir de rejoindre les riches États du Golfe et d’y travailler dans le bâtiment ou comme employés domestiques.
Mais la sécurité accrue à ses frontières empêche de nombreux migrants de quitter le Yémen.
Pendant la journée, les hommes se dispersent dans la ville et longent les routes à la recherche de travail, dans la capitale de facto du Yémen sous contrôle gouvernemental, où plus de dix ans de guerre ont entraîné un chômage massif et une insécurité alimentaire.
Pour survivre, beaucoup cherchent des petits boulots ou fouillent les tas d’ordures, espérant trouver de quoi manger pour nourrir leurs familles.
« Certains jours on mange, certains jours c’est entre les mains de Dieu. C’est la vie », confie Abdullah Omar, un Somalien de 29 ans et père de quatre enfants vivant à Aden.
Il y a plus d’un an, Omar a décidé de tenter sa chance, payant 500 dollars à des trafiquants pour embarquer sur un bateau avec sa famille, espérant fuir l’instabilité en Somalie et trouver une vie meilleure ailleurs.
Mais au Yémen, ce ne fut que misère.
Pour survivre, Omar lavait des voitures, ne gagnant que quelques dollars par jour.
Après des années à travailler dans la construction à Mogadiscio, Omar espérait trouver de meilleures conditions et un meilleur salaire au Yémen — un pays qu’il avait traversé adolescent en route vers l’Arabie saoudite.
Mais c’était avant que des années de guerre civile ne tuent des centaines de milliers de civils, ne détruisent une grande partie des infrastructures et ne laissent le pays de facto divisé entre les rebelles houthis et le gouvernement yéménite reconnu internationalement.
« Ici, je n’ai rien », a-t-il déclaré à l’AFP, en expliquant sa décision de s’inscrire à un programme de l’ONU qui a permis son rapatriement vers la Somalie.
« Il n’y a ni travail, ni argent, ni école pour les enfants ».
Chômage pour les migrants africains
Malgré la misère, environ 17 000 Africains sont arrivés au Yémen en octobre, principalement depuis le Djibouti voisin et la Somalie, soit une hausse de 99 % par rapport au mois précédent, selon l’ONU.
Les Somaliens représentent environ 63 % des 61 000 réfugiés et demandeurs d’asile enregistrés au Yémen, d’après les données des Nations unies.
À Aden, où le chômage est déjà extrêmement élevé parmi les Yéménites, les migrants africains peinent à trouver leur place.
Près de 19,5 millions de personnes au Yémen — plus de la moitié de la population — ont besoin d’aide humanitaire, dont 4,8 millions de déplacés internes, selon des données préliminaires de l’ONU pour 2025.
La situation économique s’est encore détériorée ces derniers mois en raison de la dépréciation de la monnaie, de l’arrêt des exportations de pétrole et de la baisse des financements internationaux.
La Somalie reste elle-même ravagée par sa guerre civile, les insurgés islamistes d’Al-Shabaab contrôlant toujours de vastes zones du pays.
Mais la paix relative à Mogadiscio ces dernières années a apporté un certain niveau de stabilité et permis un lucratif boom immobilier dans certaines parties de la ville — même si la situation demeure fragile.
« Si la paix revient »
Selon une enquête du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 56 % des Somaliens rapatriés ont cité « le manque de possibilités de revenus » au Yémen comme principale raison de leur retour.
« Beaucoup de réfugiés veulent retourner en Somalie, mais ils n’ont pas les moyens de payer les passeurs ou les billets d’avion », explique Oweis Al-Wazzan, responsable du programme de retour volontaire de l’ONU qui vient en aide aux migrants.
Le programme offre aux familles un transport gratuit et une aide financière pour faciliter leur réinstallation une fois de retour chez elles.
L’ONU a déjà rapatrié plus de 500 Somaliens cette année et prévoit trois autres vols d’ici la fin de l’année, transportant environ 450 personnes supplémentaires.
Parmi ceux qui doivent rentrer figure l’entrepreneur somalien Ahmed Abu Bakr Marzouk, arrivé au Yémen il y a 25 ans, où il s’est marié deux fois et a fondé une famille.
Pendant des années, il a prospéré, envoyant régulièrement de l’argent au pays et finançant la construction de deux maisons à Mogadiscio.
Puis la guerre est arrivée.
« Depuis trois ou quatre ans, il n’y a plus de travail », déplore cet homme de 58 ans.
Sans amélioration en vue au Yémen, Marzouk estime que les conditions en Somalie sont désormais plus favorables.
« Mes frères travaillent dans l’agriculture là-bas. Si la paix revient, je reviendrai », confie-t-il à l’AFP.
« Sinon, je ne reviendrai pas ».