Au Cameroun, une confrontation sans précédent se dessine entre les médecins, si ce n’est le corps médical et les autorités sanitaires.
L’Ordre national des médecins du Cameroun (ONMC) vient de manifester publiquement son exaspération face aux méthodes de contrôle jugées excessivement autoritaires et médiatisées du ministre de la Santé, Manaouda Malachie.
La cause de la grogne des médecins
Pour rappel, Le 15 février dernier, lors d’une visite impromptue au Centre hospitalier de Ngaoundéré, le ministre a provoqué un vif émoi en réprimandant sévèrement le personnel soignant devant caméras et autorités locales.
« On ne s’amuse pas ici, ce n’est pas une discussion entre copains », a-t-il lancé à une employée, exigeant « des noms, maintenant, pas demain » pour sanctionner ce qu’il considérait comme des manquements dans la prise en charge des patients.
Ces descentes ministérielles, devenues pratiques courantes, suivent invariablement le même scénario : arrivée inopinée, souvent en soirée, convocation d’urgence des responsables d’établissements, réprimandes publiques et, surtout, captation systématique des images par des journalistes autorisés à filmer ces séquences d’humiliation.
Les vidéos se propagent ensuite rapidement sur les réseaux sociaux, alimentant un sentiment de défiance envers les médecins camerounais.
Le ministre a multiplié ces interventions médiatiques depuis 2023. À Douala, il a orchestré la fermeture d’établissements jugés non conformes comme la Polyclinique de Poitiers ou le Trust Care Medical Center.
À l’Hôpital Laquintinie, il a fustigé publiquement les délais de prise en charge et les dysfonctionnements organisationnels. Au Centre Médical Le Jourdain, c’est le décès d’un nourrisson qui a déclenché son courroux filmé.
Face à cette situation devenue insoutenable, l’ONMC a publié le 17 février un communiqué aux termes mesurés, mais fermes.
Tout en reconnaissant la légitimité des contrôles administratifs, l’organisation souligne que « la dignité des professionnels de santé doit être préservée en toutes circonstances » et dénonce spécifiquement « la présence régulière des caméras de télévision au sein des hôpitaux lors des contrôles ».
Pour les médecins, ces méthodes produisent des effets délétères multiples : elles « altèrent significativement la sacralité des enceintes hospitalières », « fragilisent la confiance des populations envers les soignants » et « renvoient une image négative de la profession » tant au niveau national qu’international, suscitant même des réactions de confrères étrangers.
Cette confrontation révèle une tension profonde dans la gouvernance du système de santé camerounais.
D’un côté, un ministre déterminé à montrer sa fermeté face aux dysfonctionnements hospitaliers et à afficher des résultats tangibles. De l’autre, des médecins qui, tout en reconnaissant les imperfections du système, revendiquent le droit d’exercer leur profession dans des conditions de dignité et de respect.
La question reste désormais posée : cette prise de position de l’ONMC conduira-t-elle à une révision des méthodes ministérielles, ou assistera-t-on à un durcissement des positions de part et d’autre, au détriment d’un dialogue constructif que les médecins camerounais semblent aujourd’hui appeler de leurs vœux ?