Les médecins fuient ce pays d’Afrique du Nord

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Crédits photo : Pixabay / sasint

L’Égypte, pays d’Afrique du Nord, connaît une vague de départs sans précédent parmi ses médecins, un phénomène qui s’amplifie malgré les tentatives récentes des autorités pour encadrer la profession.

La migration massive des blouses blanches reflète une crise systémique profonde du secteur sanitaire égyptien, combinant précarité professionnelle, rémunérations insuffisantes et cadre juridique controversé.

Selon les observations du professeur Mohamed Abou El-Ghar, éminent médecin et intellectuel égyptien, lors d’un récent entretien avec la politologue Rabab El Mahdi pour le podcast « El-Hall Eih », cette tendance s’inscrit dans une dynamique structurelle qui s’aggrave.

À ses dires, ce n’est pas un simple mouvement conjoncturel, mais bien le symptôme d’un malaise profond qui touche l’ensemble de notre système de santé.

Paradoxalement, la récente adoption fin mars 2025 par le Parlement égyptien du premier cadre législatif encadrant la responsabilité médicale, censé apporter des garanties aux praticiens, semble avoir accéléré cette hémorragie.

Si le texte affiche l’ambition d’équilibrer protection des soignants et droits des patients, il est perçu par de nombreux professionnels comme une épée de Damoclès juridique supplémentaire planant au-dessus de leur exercice quotidien.

Cette crainte d’une judiciarisation accrue de la pratique médicale s’ajoute à un contexte déjà tendu.

Les conditions d’exercice dans les établissements publics égyptiens sont régulièrement dénoncées par les syndicats professionnels : surcharge de travail chronique, infrastructures vétustes, matériel insuffisant et rémunérations largement inférieures aux standards internationaux.

Un médecin débutant dans le secteur public égyptien perçoit généralement un salaire équivalent à moins de 200 euros mensuels, un niveau qui contraint la plupart à cumuler plusieurs activités pour assurer un niveau de vie décent.

Abou El-Ghar souligne que cette situation pousse logiquement les praticiens vers des systèmes de santé plus attractifs, principalement dans les monarchies du Golfe où les salaires peuvent être multipliés par dix, mais également en Europe où les procédures de reconnaissance des diplômes ont été facilitées pour certaines spécialités en tension.

Il précise d’ailleurs qu’un médecin formé en Égypte peut multiplier ses revenus par vingt en s’installant à Dubaï ou à Doha, tout en bénéficiant d’une sécurité juridique incomparable.

Les conséquences pour le système de santé égyptien sont déjà visibles. Selon les données du syndicat des médecins, plus de 110 000 praticiens égyptiens exerceraient actuellement à l’étranger, pour environ 220 000 restés au pays.

Cette situation entraîne une pénurie critique dans certaines spécialités et régions, particulièrement dans les zones rurales et la Haute-Égypte, où le ratio médecin-population peut être jusqu’à dix fois inférieur aux recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé.

Face à cette situation, les autorités égyptiennes semblent privilégier les mesures réglementaires aux réformes structurelles.

Le gouvernement a ainsi instauré des obligations de service public pour les nouveaux diplômés et des dispositifs incitatifs pour l’installation dans les zones déficitaires. Ces initiatives restent cependant insuffisantes face à l’ampleur du phénomène.

Pour endiguer cette fuite des compétences médicales, les experts préconisent une refonte complète de l’approche gouvernementale. Et Abou El-Ghar est claire ; sans une revalorisation significative des carrières médicales publiques et une véritable autonomie professionnelle, aucune législation ne pourra retenir nos médecins.

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