En un an, les friperies sont devenues les coqueluches dans un pays d’Afrique en particulier. En effet, le Kenya s’impose comme le haut lieu incontesté de la fripe sur le continent en 2023.
C’est un phénomène qui dépasse la simple mode pour devenir un véritable enjeu économique et social. Concrètement, en 2023, le pays a englouti pas moins de 198 000 tonnes de vêtements de seconde main, une hausse vertigineuse de 11,5% par rapport à l’année précédente, selon les données du Bureau national des statistiques.
Cette frénésie vestimentaire ne se mesure pas qu’en volume. La facture, elle aussi, s’envole : 26,3 milliards de shillings, soit 182 millions de dollars, ont été déboursés pour ces trésors d’occasion.
Une augmentation de 32% qui témoigne de l’appétit insatiable de ce pays d’Afrique à investir dans les friperies.
Mais au-delà des chiffres, c’est tout un écosystème qui se dessine. Teresia Wairimu, présidente de la Mitumba Consortium Association of Kenya (MCAK), dresse le portrait d’un secteur en pleine effervescence.
« Le nombre de personnes qui se lancent dans cette activité augmente chaque jour. Cela s’explique par le fait que le capital requis est très faible », soutient-elle. Un eldorado accessible qui fait rêver et vivre près de 2 millions de Kényans.
L’État, loin de bouder ce phénomène, y trouve son compte. Une taxe d’importation de 35% ou 0,40 dollar par kilogramme vient remplir les caisses publiques, transformant chaque balle de fripes en manne financière.
Ce succès fulgurant des vêtements d’occasion soulève cependant question.
Si les prix attractifs font le bonheur des consommateurs et des revendeurs, que devient l’industrie textile locale face à cette concurrence venue d’outre-mer ? Le Kenya, en devenant la capitale africaine de la fripe, trace-t-il la voie d’un nouveau modèle économique ou sacrifie-t-il son industrie sur l’autel de l’importation ?
Dans les rues de Nairobi, entre les étals colorés et l’effervescence des marchés, se joue peut-être l’avenir du textile africain.
Un avenir fait de paradoxes, où l’occasion devient la norme et où chaque t-shirt usé raconte une histoire de mondialisation à l’échelle d’un continent.