La Namibie vient de franchir un seuil historique. Pour la première fois depuis l’indépendance, les recettes fiscales tirées de l’or et de l’uranium ont dépassé celles provenant du diamant, selon un rapport publié par la Chambre des mines. Cette modification révèle un basculement profond dans la structure économique du pays.
Les revenus du diamant ont traditionnellement alimenté le Trésor public namibien. Ces gemmes représentaient environ trente pour cent des recettes d’exportation. Enfin, jusqu’à récemment. L’industrie des pierres naturelles traverse une période difficile depuis la mi-2022, affectée par la montée en puissance des diamants synthétiques qui grignotent les parts de marché. Les prix se sont effondrés.
Les chiffres communiqués par l’administration fiscale namibienne confirment cette dégradation. Les rentrées fiscales issues du diamant ont diminué de soixante-dix-neuf pour cent entre avril et septembre comparativement à la même période de l’année précédente. Cette chute fait suite à une baisse de quarante-neuf pour cent enregistrée lors de l’exercice fiscal antérieur. Bref, deux années consécutives de recul brutal.
Dans son rapport d’octobre, la Chambre des mines évoque « une évolution structurelle vers une base de recettes minières plus diversifiée ». Les minerais autres que le diamant ont généré 2,87 milliards de dollars namibiens au cours de l’exercice précédent, soit environ 171 millions de dollars américains.
Ce montant représente près du double des prévisions budgétaires initiales. Les projections pour l’exercice en cours prévoient même une nouvelle progression jusqu’à 3,54 milliards de dollars namibiens.
L’or explique en partie ce renversement. Les deux mines du pays, Navachab et Otjikoto Mine exploitée par B2Gold, ont profité de la flambée des cours. Le métal jaune a atteint 4 380 dollars l’once en octobre, soit une augmentation d’environ soixante pour cent sur douze mois. Cette envolée des prix a mécaniquement gonflé les recettes fiscales et les redevances versées à l’État namibien.
L’uranium constitue l’autre pilier de cette transformation. La production a progressé de vingt-deux pour cent en glissement annuel durant les dix premiers mois de 2025. Ce minerai, utilisé dans les technologies nucléaires, bénéficie d’une demande mondiale soutenue dans un contexte de regain d’intérêt pour l’énergie atomique. La Namibie occupe le troisième rang des producteurs mondiaux, derrière le Kazakhstan et le Canada.
Les redevances sur les minerais hors diamants ont également surpris les prévisionnistes. Elles sont passées de 747,8 millions de dollars namibiens prévus au budget à 1,03 milliard effectivement encaissés. Cette tendance se poursuit durant l’exercice actuel, selon les observations de la Chambre des mines.
Le pays compte trois grandes mines d’uranium opérationnelles : Rössing, Langer Heinrich et Husab. Cette dernière, propriété de Swakop Uranium, constitue l’un des projets miniers les plus ambitieux d’Afrique australe. D’autres sites font également l’objet de prospections. Le groupe français Orano a d’ailleurs annoncé son intention de relancer la mine de Trekkopje, mise à l’arrêt en 2012 suite à la chute des cours.
Ce rééquilibrage des sources de revenus fiscaux survient dans un contexte économique particulier. La croissance devrait se stabiliser autour de 3,8 % en 2025, portée notamment par un rebond agricole après une sécheresse sévère, selon les prévisions du FMI et de la Banque centrale de Namibie. Le secteur primaire devrait progresser de 0,8 pour cent cette année, tiré par l’agriculture qui anticipe une hausse de 2,4 pour cent.
L’économie namibienne demeure néanmoins exposée à plusieurs vulnérabilités. La dépendance à l’Afrique du Sud reste importante, tandis que le dollar namibien conserve sa parité avec le rand sud-africain. Les fluctuations des cours mondiaux des matières premières continuent d’influencer directement les performances économiques du pays. Le gouvernement cherche depuis plusieurs années à diversifier son tissu productif pour réduire cette exposition aux chocs externes.
Le déclin du diamant pose également des questions sur l’avenir de certaines régions minières. NamDeb, coentreprise entre l’État et De Beers, reste l’acteur dominant du secteur avec des extractions terrestres et marines. L’entreprise emploie plusieurs milliers de personnes. La transition vers d’autres minerais pourrait nécessiter des reconversions professionnelles dans certaines zones.