Sous la gouvernance de Bassirou Diomaye Faye, le Sénégal a décidé de tourner le dos à la France et au FMI pour des raisons diverses.
Longtemps présenté comme un modèle de stabilité budgétaire en Afrique de l’Ouest, Dakar fait aujourd’hui face à une mise en garde sévère du Fonds monétaire international.
L’institution a suspendu tout nouveau programme de financement, après avoir découvert, conjointement avec la Cour des comptes, une dette non déclarée s’élevant à près de 7 milliards de dollars entre 2019 et 2023.
Cette anomalie comptable n’est pas une simple erreur technique : elle soulève des doutes sur la transparence des finances publiques sous les précédentes administrations.
Le FMI, prudent, a conditionné la reprise des négociations à une clarification complète de ces irrégularités. Un calendrier n’a pas été communiqué, même si le porte-parole a laissé entendre qu’un retour à la table des discussions pourrait être rapide une fois les zones d’ombre levées. Pour l’instant, le programme initialement espéré pour juin 2025 est reporté à une date inconnue. Cette situation complique la marge de manœuvre du nouvel exécutif, au moment où de nombreux chantiers sociaux et économiques nécessitent des appuis financiers solides.
Le Sénégal de Bassirou Diomaye Faye ne compte plus sur la France et le FMI
Pour maintenir l’État à flot, Bassirou Diomaye Faye et son premier ministre font un recours accru au marché régional.
Face à cette suspension du FMI, le gouvernement de Bassirou Diomaye Faye n’est pas resté immobile. Dès son entrée en fonction, le Trésor sénégalais a multiplié les adjudications sur le marché régional de l’UMOA, levant plusieurs centaines de milliards de francs CFA en seulement quelques mois. Cette stratégie, bien que risquée, permet de garantir une certaine continuité des dépenses publiques sans dépendre directement des institutions de Bretton Woods.
Chaque semaine, des bons et obligations sont émis via l’Agence UMOA-Titres, attirant les banques commerciales et les investisseurs institutionnels de la sous-région.
Cette dynamique permet non seulement de sécuriser des fonds, mais aussi de renforcer la place financière régionale. Toutefois, cette approche n’est pas sans conséquences : le coût de l’endettement est plus élevé, et la pression sur le service de la dette augmente à mesure que le pays multiplie les émissions à court terme.
En parallèle, le gouvernement a pu compter sur le soutien ponctuel de partenaires bilatéraux et multilatéraux, comme la Banque mondiale et la Banque africaine de développement. Ces deux institutions ont maintenu leur appui, notamment via la Société financière internationale (SFI), qui a participé au financement de projets ciblés dans l’agriculture, l’énergie et l’infrastructure industrielle.
Un enjeu de confiance et de crédibilité pour le futur
Au-delà des aspects techniques, l’impasse avec le FMI met en lumière un défi de gouvernance. Le nouveau régime, qui s’est engagé à rompre avec les pratiques opaques du passé, voit dans cette crise une opportunité de refonder les fondements de la gestion publique. La restauration de la confiance passe désormais par un audit rigoureux, une transparence accrue sur la dette et la mise en place d’outils de suivi plus performants.
Mais le temps presse. Sans un cadre budgétaire clair soutenu par le FMI, les marges pour financer les politiques sociales — dans un contexte de forte attente populaire — risquent de s’amenuiser. L’absence de financement concessionnel à long terme oblige l’État à arbitrer entre remboursement de la dette, dépenses prioritaires et investissements structurants.
En filigrane, cette situation pose aussi la question de la soutenabilité du modèle de développement sénégalais : comment financer la transformation économique sans retomber dans un cycle d’endettement incontrôlé ? La réponse pourrait venir d’un mix de discipline budgétaire, de mobilisation accrue des recettes internes, et d’un retour maîtrisé aux financements internationaux — une fois la page des dettes cachées définitivement tournée.