Dans un contexte de tensions diplomatiques aiguës entre la France et l’Algérie, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a choisi la voie de l’apaisement avec le président Emmanuel Macron.
En effet, lors d’une interview accordée le samedi 22 mars 2025 à des journalistes de médias publics et retransmise par la télévision algérienne, il a clairement désigné Emmanuel Macron comme son « unique point de repère » dans cette crise qu’il qualifie de « contentieux créé de toutes pièces ».
« Pour ne pas tomber dans le brouhaha ni le capharnaüm politique là-bas [en France], je dirais seulement trois mots : nous, on garde comme unique point de repère le président Macron », a déclaré le chef d’État algérien, soulignant la relation particulière qui le lie à son homologue français.
« Emmanuel Macron est mon alter ego, on a eu des moments de sirocco, des moments de froid, mais c’est avec lui que je travaille », a précisé Abdelmadjid Tebboune, dans ce qui apparaît comme une main tendue pour désamorcer les tensions.
Cette déclaration intervient après plusieurs mois de relations tumultueuses entre les deux pays.
La crise a connu « un violent coup de frein » en juillet 2024, lorsque le président français a annoncé son soutien au plan d’autonomie sous souveraineté marocaine pour le Sahara occidental, territoire revendiqué par les indépendantistes du Polisario soutenus par Alger. Cette prise de position avait conduit l’Algérie à rappeler son ambassadeur à Paris.
Contrairement aux idées reçues, Tebboune affirme que « l’amitié entre la France et le Maroc ne nous dérange pas du tout ».
Ce qu’Alger conteste, selon lui, ce sont « les visites ostentatoires » de responsables français dans ce territoire, comme celles de la ministre de la Culture Rachida Dati et du président du Sénat Gérard Larcher, qui « enfreignent la légalité internationale » alors que « le dossier est toujours entre les mains de l’ONU ».
La situation s’est encore compliquée à l’automne avec l’arrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, jugé à Alger pour des propos tenus sur un média français considérés comme portant atteinte à l’intégrité du territoire algérien.
Pour ce dernier, le parquet a requis dix ans de prison ferme, avec un verdict attendu le jeudi 27 mars. Emmanuel Macron a exprimé son inquiétude quant à l’état de santé de l’intellectuel, atteint d’un cancer, et a demandé à Tebboune de « régler » ce cas pour « rétablir la confiance » mutuelle.
Le président algérien a également abordé la question épineuse des Algériens sous obligation de quitter le territoire français (OQTF), sujet qui a enflammé les esprits à Paris début janvier.
La crise a atteint son paroxysme après l’attentat de Mulhouse, qui a fait un mort et a été commis par un Algérien ayant fait l’objet de plusieurs OQTF refusées par l’Algérie.
Face aux menaces du ministre de l’Intérieur français Bruno Retailleau d’une « riposte graduée », Tebboune a cité le cas d’un Algérien placé sous OQTF pour avoir « dénoncé le génocide à Gaza », plaidant qu’il s’agit de « dizaines de cas par jour » relevant de « la liberté d’expression ».
Malgré ces points de friction, le président algérien appelle à « savoir raison garder », rappelant l’existence « d’excellentes relations » et de « beaucoup d’amis [en France] qui aiment l’Algérie ».
Il affirme que la situation est désormais « entre de bonnes mains », citant notamment le ministre des Affaires étrangères algérien Ahmed Attaf, « qui a toute ma confiance ».
Ce dernier avait pourtant diffusé plusieurs communiqués décrivant l’Algérie comme victime d’une cabale de « l’extrême droite française revancharde et haineuse ».
Cette main tendue par Abdelmadjid Tebboune à Emmanuel Macron pourrait marquer un tournant dans les relations franco-algériennes, en recentrant le dialogue au plus haut niveau entre les deux chefs d’État.
« On est face à deux États indépendants, une puissance européenne et une puissance africaine, et on a deux présidents qui travaillent ensemble, tout le reste ne nous concerne pas », a-t-il conclu, traçant ainsi la voie d’un possible apaisement.