Le Nigeria fait « le sourd » et poursuit sa collaboration avec Washington, malgré les menaces de Trump

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Crédit Photo : MANDEL NGAN / AFP

Le Nigeria discute de coopération sécuritaire avec Washington qui a menacé d’intervenir militairement dans le pays, a affirmé ce lundi 17 novembre 2025 à l’AFP le ministre nigérian des Affaires étrangères, après de récentes allégations de Donald Trump évoquant des « meurtres de chrétiens » perpétrés par des « terroristes islamistes ».

« Nous discutons actuellement de la manière dont nous pouvons collaborer pour relever les défis sécuritaires qui concernent l’ensemble de la planète », a déclaré Yusuf Tuggar lors d’une interview exclusive à Abuja.

Au début du mois, M. Trump a affirmé avoir demandé au Pentagone d’élaborer un plan d’attaque potentiel contre le pays le plus peuplé d’Afrique, car les islamistes radicaux y « tuent les chrétiens et les tuent en très grand nombre ».

Lorsque l’AFP lui a demandé s’il pensait que Washington allait frapper le Nigeria, M. Tuggar a répondu : « Non, je ne pense pas ».

« Parce que nous continuons à discuter et comme je l’ai dit, les discussions ont progressé. Nous avons dépassé ce stade » des menaces, a-t-il ajouté.

« Nous considérons cela comme un léger accroc dans ce qui a été une relation très longue et prestigieuse », a estimé le ministre, assurant poursuivre une « étroite collaboration » avec Washington.

Le président américain avait déclaré que le christianisme était « confronté à une menace existentielle » dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, ajoutant que si le Nigeria ne mettait pas fin aux massacres, les Etats-Unis attaqueraient et que « ce serait rapide, violent et efficace ».

Insécurité

Le Nigeria est divisé de manière à peu près égale entre un sud à majorité chrétienne et un nord à majorité musulmane. Il est le théâtre de nombreux conflits qui tuent aussi bien des chrétiens que des musulmans, souvent sans distinction.

Dans le nord-est du pays, l’insurrection jihadiste menée par le groupe Boko Haram (actif depuis 2009) et sa faction dissidente rivale de l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap), a fait plus de 40.000 morts et forcé plus de deux millions de personnes à fuir leurs foyers, selon l’ONU.

Elle s’est étendue ces dernières années dans les zones limitrophes, aux Niger, Cameroun et Tchad voisins, entraînant la création d’une coalition militaire régionale.

Dans le nord-ouest et le centre du Nigeria, des gangs criminels, appelés localement « bandits », sèment la terreur, attaquant des villages, enlevant des habitants, pillant et incendiant des maisons.

Des affrontements sanglants entre agriculteurs majoritairement chrétiens et éleveurs peuls musulmans ont aussi ensanglanté plusieurs Etats du centre du Nigeria, des violences qui, au-delà des questions ethniques et religieuses, trouvent selon les experts leurs causes profondes dans la mauvaise gestion foncière et l’absence d’autorité dans les zones rurales.

Selon M. Tuggar, les problèmes sécuritaires « tuent plus de musulmans que de chrétiens » et résultent de « facteurs exogènes » au Nigeria, comme la dégradation de la sécurité et l’augmentation de la menace jihadiste au Sahel.

Il a affirmé que son pays s’était efforcé de répondre aux multiples crises sécuritaires, notamment celles liées aux bandes criminelles.

La réalité, « c’est un gouvernement qui combat l’insurrection, qui lutte contre le terrorisme dans notre région », a-t-il affirmé, « parfois avec beaucoup de succès, parfois avec des revers dus à des facteurs exogènes, non à des erreurs de notre part ».

Accusations

M.Tuggar a indiqué que si les Etats-Unis ou tout autre pays souhaitent s’associer au Nigeria pour l’aider à relever les défis sécuritaires, le Nigeria y est « plus que favorable ».

« Mais le Nigeria, ses forces de sécurité, ses troupes et son armée doivent être en première ligne », a-t-il poursuivi.

Depuis les propos de Donald Trump, les autorités nigérianes ont multiplié les déclarations assurant que le Nigeria ne tolère aucune persécution religieuse.

Ces accusations de persécutions contre les chrétiens sont relayées à Washington par des acteurs politiques conservateurs, des associations de défense des chrétiens, mais aussi des séparatistes biafrais.

« La désinformation provient du fait que nous vivons à l’ère des réseaux sociaux » qui abreuvent les gens de « fausses » informations, a commenté Yusuf Tuggar.

Lorsque M. Trump a évoqué le sort des chrétiens au Nigeria, le pays ne disposait pas d’ambassadeur aux Etats-Unis, le président Bola Tinubu ayant rappelé la quasi-totalité des ambassadeurs en 2023 dans le cadre d’un examen d’ »efficacité », et ne les ayant pour la plupart pas encore remplacés.

« Nous avons des personnes compétentes, que nous ayons ou non des ambassadeurs accrédités », estime toutefois M.Tuggar.

Donald Trump a ordonné fin octobre d’intégrer le Nigeria à la liste des pays « particulièrement préoccupants » (« Country of Particular Concern », CPC) en termes de liberté religieuse. Les parlementaires américains doivent examiner cette requête. Si elle était approuvée, des sanctions pourraient viser des responsables nigérians.

© AFP

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