Le Maroc est le seul pays d’Afrique le faire. Ce qui permet à ses étudiants de revenu de France de ne pas s’arracher les cheveux.
En effet, le Maroc a fait passer une réforme administrative qui facilite le parcours académique et professionnel de milliers de ses ressortissants diplômés en France.
Désormais, les licences, masters et doctorats obtenus dans les universités publiques françaises sont automatiquement reconnus sur le territoire marocain.
Cette décision, consignée au Bulletin Officiel n°7392, marque une rupture avec un système administratif que le ministre de l’Enseignement Supérieur, Azzedine El Midaoui, qualifiait lui-même de « fastidieux ».
Et pour cause, jusqu’à présent, les diplômés marocains devaient s’engager dans un parcours administratif complexe : constitution de dossiers, traductions assermentées coûteuses (environ 23,75 euros par page), examens par des commissions spécialisées, avec des délais avoisinant six mois.
Cette lourde bureaucratie créait un « préjudice injustifié » pour des milliers de jeunes talents, retardant considérablement leur accès au marché du travail ou aux concours de la fonction publique.
Le Maroc, premier bénéficiaire parmi la diaspora étudiante africaine en France
Selon les dernières données publiées par Campus France en 2024, cette mesure concerne directement 45.162 étudiants marocains inscrits dans l’enseignement supérieur français pour l’année universitaire 2022-2023.
Ces étudiants représentent 11% des 402.883 étudiants étrangers en France, positionnant le Maroc comme premier pourvoyeur d’étudiants internationaux dans l’Hexagone.
Si l’on considère l’ensemble des diplômés marocains des universités françaises depuis les années 2000, l’impact de cette réforme s’étend potentiellement à plusieurs dizaines de milliers de personnes.
Cependant, cette avancée met en lumière un déséquilibre flagrant à l’échelle continentale : les 141.988 autres étudiants africains (soit 75% du contingent africain en France) restent soumis dans leurs pays d’origine à des procédures d’équivalence longues, coûteuses et aux résultats incertains.
C’est un paradoxe d’autant plus frappant que la mobilité étudiante africaine vers la France a progressé de 17% en cinq ans, avec une augmentation particulièrement marquée de 34% pour l’Afrique subsaharienne.
Une exception africaine qui souligne les disparités administratives du continent
La singularité du Maroc apparaît nettement lorsqu’on examine les procédures en vigueur dans les autres pays africains fournisseurs majeurs d’étudiants à la France.
En Algérie, les 32.147 étudiants nationaux en France doivent solliciter une équivalence via une plateforme ministérielle en ligne, fournir des documents authentifiés par les ambassades et se soumettre à l’examen d’experts scientifiques, conformément au décret n°18-95.
Au Sénégal, malgré 15.251 étudiants nationaux inscrits en France, la Commission nationale de Reconnaissance, de classement et d’équivalence (CRCE) exige un dossier complet sans aucun automatisme. En Côte d’Ivoire, les 10.691 étudiants évoluant dans l’Hexagone font face à des droits de dépôt (15,24 euros à la première demande) et des obligations de traductions assermentées. Au Cameroun, une plateforme payante (25.000 FCFA depuis janvier 2025) et une évaluation par commission conditionnent la reconnaissance des diplômes.
Cette mosaïque administrative illustre un paradoxe continental : alors que l’Afrique subsaharienne et l’Afrique du Nord fournissent ensemble 47% des étudiants étrangers en France, seul le Maroc a opté pour une simplification radicale du processus de reconnaissance.
Des impacts économiques et sociaux significatifs
Sur le plan économique, la fluidification de l’insertion professionnelle des diplômés marocains de France stimule potentiellement des secteurs stratégiques comme l’ingénierie, l’informatique ou la santé.
Ce sont des domaines où le Maroc cherche précisément à renforcer ses compétences dans le cadre de sa stratégie de développement économique. Cette réforme contribue également à moderniser l’administration marocaine via une dématérialisation ciblée, contrastant avec la complexification observée ailleurs.
Par ailleurs, cette initiative renforce l’attractivité de la France pour les étudiants marocains, déjà en croissance de 13% depuis 2017. Elle consolide des liens académiques bilatéraux historiques tout en facilitant les circulations de compétences entre les deux rives de la Méditerranée.
Si la réforme marocaine ouvre une brèche significative, son champ d’application comporte des limites notables.
Elle exclut notamment les formations en ligne non homologuées et les diplômes délivrés par des établissements privés français, laissant de nombreux étudiants dans un flou juridique.
À l’échelle continentale, l’absence d’un mécanisme panafricain d’harmonisation des reconnaissances académiques, comparable au système européen de Bologne, perpétue les asymétries régionales.
Bien que l’Union africaine promeuve théoriquement la libre circulation des compétences et ait développé une Stratégie d’Harmonisation pour l’enseignement supérieur basée sur la Convention d’Arusha révisée, ces initiatives restent embryonnaires et insuffisamment opérationnelles.