En Afrique où le Mobile Money représente un pilier d’inclusion financière, les fraudeurs s’organisent et multiplient les escroqueries.
C’est finalement un phénomène qui menace le développement économique africain et pose la question de la sécurisation des transactions digitales.
L’Afrique subsaharienne est véritablement devenue une terre de prédilection pour le Mobile Money. Néanmoins, elle voit aujourd’hui son avancée numérique rattrapée par l’ombre grandissante de l’escroquerie.
Si le téléphone portable a révolutionné l’accès aux services financiers pour des millions d’Africains non bancarisés, il est devenu également le terrain de chasse privilégié des fraudeurs. Un paradoxe qui illustre la vulnérabilité d’un continent en pleine métamorphose digitale.
En 2023, sur les 310 services financiers mobiles actifs dans le monde, plus de la moitié se concentrait en Afrique subsaharienne.
C’est une prédominance qui témoigne de l’adoption massive de cette technologie dans un continent où le taux de bancarisation demeure faible. Cependant, ce succès attire désormais les convoitises malveillantes.
L’Association mondiale des opérateurs mobile (GSMA) tire la sonnette d’alarme dans son étude publiée en mars 2024, couvrant 34 pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Le verdict est sans appel : 84% des professionnels du secteur constatent une augmentation des attaques frauduleuses ciblant les services de Mobile Money.
Un arsenal d’escroqueries sophistiquées en Afrique
Les fraudeurs ont développé un arsenal d’approches pour s’approprier l’argent des utilisateurs.
L’usurpation d’identité figure en tête des menaces identifiées. Elle consiste à se faire passer pour un proche en détresse afin de soutirer des fonds à des victimes crédules. Une technique aussi simple qu’efficace qui exploite les liens familiaux et communautaires, particulièrement forts dans les sociétés africaines.
L’ingénierie sociale occupe également une place de choix dans cette hiérarchie des escroqueries en Afrique.
Les fraudeurs se présentent comme des agents officiels du service Mobile Money et persuadent leurs victimes de divulguer des informations personnelles sous prétexte de mises à jour techniques ou administratives.
Plus inquiétant encore, la fraude d’initié révèle des failles au sein même des organisations.
Des employés actuels ou anciens, forts de leur connaissance des systèmes, orchestrent des détournements de fonds en exploitant leurs accès privilégiés.
Le phénomène prend de l’ampleur, à tel point que 94% des professionnels interrogés par la GSMA s’en déclarent préoccupés.
L’échange frauduleux de cartes SIM et la cyberfraude complètent ce tableau des principales menaces. Cette dernière, particulièrement sophistiquée, implique l’intrusion dans les systèmes informatiques via des malwares insidieux, souvent activés par un simple clic sur un lien piégé.
Un trésor qui attise les convoitises
Pour comprendre l’attrait du Mobile Money aux yeux des escrocs, il suffit d’observer les chiffres vertigineux qu’il génère.
En 2023, le service comptabilisait 1,7 milliard de comptes dans le monde, pour un volume de transactions atteignant 1000 milliards de dollars.
L’Afrique subsaharienne représente à elle seule 835 millions de comptes et 912 milliards de dollars de fonds transférés.
Ces sommes colossales transforment le Mobile Money en véritable caverne d’Ali Baba pour les fraudeurs. Derrière chaque transaction, chaque compte, se profile la possibilité d’un détournement lucratif.
La criminalité s’adapte ainsi à l’évolution technologique, développant des méthodes toujours plus élaborées pour contourner les systèmes de sécurité.
Face à cette menace croissante, les opérateurs télécoms multiplient les campagnes de sensibilisation. Les consignes sont claires : ne jamais partager ses codes de sécurité, vérifier l’authenticité des messages reçus, n’installer que des applications officielles, activer l’authentification à deux facteurs et surveiller régulièrement ses transactions.
Une réponse collective indispensable
La GSMA appelle à une mobilisation générale. Les opérateurs sont invités à investir massivement dans des programmes antifraudes et des technologies de pointe, notamment l’intelligence artificielle.
La surveillance des tiers (agents, fournisseurs de technologie) fait également partie des recommandations prioritaires.
Les gouvernements ne sont pas en reste. L’association mondiale préconise une mise à jour des cadres juridiques pour tenir compte des spécificités de la fraude liée au Mobile Money.
Des lois adaptées permettraient des poursuites plus efficaces contre les fraudeurs, créant ainsi un effet dissuasif.
Mais c’est surtout la collaboration entre les différentes parties prenantes qui apparaît comme la clé de voûte d’une stratégie antifraude efficace.
Partage d’informations, programmes de sensibilisation conjoints, protection des données et évaluation régulière des vulnérabilités : autant d’actions qui nécessitent une approche concertée.
L’enjeu dépasse largement le cadre du Mobile Money. C’est tout l’écosystème financier africain qui se trouve menacé par ces escroqueries.
Dans un continent où l’inclusion financière constitue un levier essentiel de développement économique, la sécurisation des transactions digitales devient un impératif stratégique.