La France, par l’intermédiaire de son chef de la diplomatie, Jean-Noël Barrot, a entamé ce dimanche 6 avril 2025 une visite à Alger, qui prévoit une entrevue avec le président Abdelmadjid Tebboune, afin de concrétiser le réchauffement des relations bilatérales après huit mois de crise ayant conduit les deux pays au bord de la rupture.
Arrivé vers 10H00 (09H00 GMT), M. Barrot a eu un « entretien de 01H45 », selon ses services, avec son homologue Ahmed Attaf et en format élargi, pour tenter d’aplanir les dossiers les plus épineux. Après une courte pause, il doit rencontrer en début d’après-midi le chef de l’Etat algérien.
Selon El Moudjahid (gouvernemental), depuis l’appel téléphonique du 31 mars entre le président français Emmanuel Macron et M. Tebboune qui a relancé le dialogue bilatéral, les relations « semblent emprunter une trajectoire constructive ».
Paris veut « se saisir » de l’espace diplomatique ouvert il y a une semaine pour « obtenir des résultats », sur les dossiers sécuritaires, migratoire et économique, a dit M. Barrot avant sa venue.
Cette crise d’une gravité inédite entre l’Algérie et son ancienne puissance coloniale (1830-1962) a démarré à l’été 2024 quand M. Macron a apporté son soutien total à un plan d’autonomie sous souveraineté marocaine pour le Sahara occidental, revendiqué depuis 50 ans par les indépendantistes du Polisario soutenus par Alger. L’Algérie a immédiatement retiré son ambassadeur à Paris.
A l’automne, l’arrestation à Alger de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal pour des déclarations considérées comme une « atteinte à l’intégrité du territoire », a fait monter d’un cran les tensions, qui se sont ensuite enflammées début 2025 lorsque Paris a réclamé l’expulsion d’influenceurs algériens, refoulés par Alger.
Un point culminant a été atteint fin février, le jour où le ministre de l’Intérieur français Bruno Retailleau a pointé un doigt accusateur vers l’Algérie après un attentat en France commis par un Algérien, objet d’obligations de quitter le territoire refusées par Alger.
Mais depuis que MM. Macron et Tebboune ont repris les choses en main, il y a, selon Paris, une volonté conjointe de retrouver une relation apaisée et équilibrée « dans une logique de résultats ».
La visite de M. Barrot vise à établir « un programme de travail ambitieux » et à élaborer un calendrier de mise en oeuvre, selon ses services.
– « L’impossibilité d’une rupture » –
Pour le journal algérien L’Expression, sa venue montre que « les relations reprennent leur cours normal, sans que l’on ait besoin de déclarer un vainqueur dans cette brouille diplomatique » et « démontre l’impossibilité d’une rupture entre l’Algérie et la France, comme l’imaginait Marine Le Pen », la cheffe du Rassemblement national.
Alger s’estime en effet victime d’une cabale d’« une extrême droite nostalgique de l’Algérie française » et de dirigeants de droite avec à leur tête le ministre Retailleau, en campagne pour prendre la tête du parti Les Républicains.
Pour Paris, la reprise immédiate de la coopération entre services de renseignements dans la lutte anti-terroriste au Sahel où l’Algérie est limitrophe du Mali et du Niger, et sur le dossier du retour des jihadistes de Syrie est prioritaire.
Autre préoccupation française : appliquer « strictement » l’accord bilatéral de 1994 sur l’acceptation par l’Algérie de ses ressortissants expulsés. Paris souhaite augmenter la cadence, malgré « une part des retours forcés (vers l’Algérie) plus importante que la moyenne » des autres pays, avec 3.000 Algériens renvoyés l’an passé sur 34.000 interpellés en situation irrégulière, selon la Direction générale des étrangers.
Pour Alger, le soutien dont M. Macron l’a assuré dans ses négociations avec Bruxelles pour une révision de son Partenariat avec l’Union européenne, est très important. Sur le plan économique, Paris est inquiet pour le sort de 6.000 entreprises françaises implantées en Algérie.
Les deux parties devraient aussi évoquer à Alger un accord d’exemption réciproque des visas diplomatiques, après des restrictions imposées par la France en représailles du refus d’Alger de reprendre certains de ses ressortissants.
Le cas de Boualem Sansal pourrait être évoqué. Emmanuel Macron a plaidé auprès de M. Tebboune pour « une issue humanitaire » pour l’écrivain de plus de 80 ans, atteint d’un cancer, condamné le 27 mars à cinq ans de prison.
Le Parquet algérien qui avait requis 10 ans en première instance a fait appel de la condamnation. Selon des avocats à Alger, une réduction de peine et éventuellement une grâce présidentielle permettraient sa libération anticipée.
Avec AFP