En France, à la veille d’un vote à l’Assemblée qui menace de faire chuter le gouvernement, le Premier ministre Michel Barnier a appelé mardi à la responsabilité pour éviter un chaos politique et budgétaire, le président Emmanuel Macron affirmant pour sa part ne pas pouvoir croire à un tel scénario.
« La situation est difficile sur le plan budgétaire » et « très difficile sur le plan économique et social », « la censure (…) rendra tout plus difficile et plus grave », a mis en garde M. Banier devant l’Assemblée nationale.
Le président Emmanuel Macron a affirmé de son côté qu’il ne pouvait « pas croire au vote d’une censure » du gouvernement. Selon lui, le Rassemblement national (RN, extrême droite) serait d’un « cynisme insoutenable » s’il votait la motion déposée par la gauche, tandis que le Parti socialiste, et notamment l’ex-président François Hollande, feraient preuve d’une « perte de repères complète ».
« L’intérêt du pays est plus important que l’intérêt des partis », a souligné le chef de l’Etat français en marge d’une visite en Arabie saoudite.
Emmanuel Macron a en outre balayé les appels à sa démission de la part de ses opposants qui sont, selon lui, de « la politique fiction », assurant qu’il n’avait jamais songé à quitter l’Elysée avant la fin de son mandat en 2027.
Le président était resté jusque-là muet en public sur cette crise qui pourrait l’obliger à se chercher un nouveau Premier ministre, alors qu’il n’a pas de majorité à l’Assemblée.
M. Barnier s’exprimera à la télévision à 20H00 (19H00 GMT).
Lundi, le dirigeant de centre droit de 73 ans a engagé la responsabilité de l’exécutif en faisant adopter sans vote, comme le prévoit un article de la Constitution, le budget de la Sécurité sociale, exposant son gouvernement à une motion de censure tout en assurant avoir été « au bout du dialogue » avec les groupes politiques.
Multiples concessions
Sauf retournement spectaculaire, la motion a toutes les chances d’être approuvée, la gauche et l’extrême droite ayant annoncé qu’ils la voteraient. Le débat aura lieu à 16H00 (15H00 GMT) et le premier résultat est attendu vers 20H00 (19H00 GMT), selon plusieurs sources parlementaires. Pour faire chuter le gouvernement, 288 voix sur 577 seront nécessaires.
« La chute de Barnier est actée », a estimé la cheffe des députés de la formation de gauche radicale La France Insoumise (LFI), Mathilde Panot.
Nommé le 5 septembre par M. Macron pour trouver une sortie de crise après une dissolution parlementaire et des élections aux résultats désastreux pour sa majorité en juillet, le Premier ministre aura tenu trois mois grâce au « soutien sans participation du RN », le parti d’extrême droite du Rassemblement national: mais « ce qui le fera tomber, c’est justement que le RN aura cessé de le soutenir », a jugé le député socialiste Arthur Delaporte.
Alors que la France voit son déficit public déraper, l’ancien commissaire européen et négociateur de l’UE pour le Brexit est sous le feu croisé des oppositions qui rejettent les efforts d’austérité demandés en 2025 et accusent, pour la gauche, M. Macron d’avoir fait trop de cadeaux fiscaux aux plus riches et aux entreprises.
Michel Barnier a multiplié les concessions pour amadouer l’extrême droite, acceptant par exemple de surseoir à la baisse du déremboursement des médicaments, mais cela n’a pas suffi.
Selon un président de groupe du bloc central, il ne croyait pas que la cheffe des députés du RN Marine Le Pen oserait censurer son gouvernement, avec les nombreuses concessions faites.
« Censurer ce budget est, hélas, la seule manière que nous donne la Constitution pour protéger les Français d’un budget dangereux, injuste et punitif », a déclaré Mme Le Pen sur le réseau social X.
Contestation sociale
Voter la censure, « c’est notre devoir », a estimé l’un de ses principaux lieutenants, le député RN Jean-Philippe Tanguy, alors que le manque d’argent public aiguise la contestation sociale.
A Lyon (est), des taxis ont bloqué certains accès routiers pour protester contre une baisse de la tarification du transport de malades. Les présidents d’université se sont de leur côté mobilisés mardi face aux restrictions budgétaires « intenables » demandées.
Jeudi, la chasse aux économies et le durcissement des règles sur les absences maladie conduiront beaucoup d’enseignants à faire grève, tandis que l’aviation civile a demandé aux compagnies aériennes d’annuler certains de leurs vols en France, en raison d’un appel à la grève dans la fonction publique.
Mardi, les ministres se sont succédé sur les radios et télévisions pour agiter le risque du « chaos ». « C’est le pays qu’on met en danger », s’est inquiété le ministre de l’Economie Antoine Armand.
« Est-ce qu’on veut vraiment le chaos ? Est-ce qu’on veut une crise économique qui touchera les plus fragiles ? », a lancé le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.
La Bourse de Paris a terminé en petite hausse mardi, les investisseurs se focalisant sur les avantages d’un statu quo budgétaire en cas de censure.
L’adoption par l’Assemblée nationale d’une telle motion serait une première en France depuis 1962. Le gouvernement Barnier deviendrait alors le plus éphémère de l’histoire de la Ve République.
Si l’exécutif tombait, la France s’enfoncerait encore plus dans la crise politique née de la dissolution de l’Assemblée en juin, avec en outre le risque de voir les taux d’emprunt de la France augmenter encore.
Le pays enregistre cette année un sérieux dérapage de son déficit public, attendu à 6,1% du PIB, et ne prévoit de parvenir à respecter à nouveau la règle européenne des 3% qu’en 2029.
© Avec l’AFP