La Géorgie s’apprête à adopter mardi la loi controversée sur l’influence étrangère », malgré des manifestations d’ampleur contre ce texte qui, selon ses détracteurs, détourne de l’Europe ce pays du Caucase pour l’entraîner vers Moscou.
Des centaines de jeunes manifestants étaient déjà réunis devant le parlement en milieu de journée, en prévision du vote des élus. Mais jusqu’ici le fort mouvement de protestation, qui a rassemblé des dizaines de milliers de personnes, n’a pas fait plier le pouvoir.
En 2023, les manifestations massives avaient forcé le parti du « Rêve géorgien » au pouvoir à abandonner une première mouture de ce texte.
Ses détracteurs l’ont surnommée la « loi russe » car le texte imite une législation du Kremlin pour réprimer l’opposition. La référence est particulièrement sensible en Géorgie, pays qui balance entre les sphères d’influence russe et européenne et a été envahi par Moscou lors d’une brève guerre en 2008.
Lors des débats en vue de son adoption en dernière lecture, des élus de la majorité et de l’opposition se sont affrontés à coups de poing. Des bagarres similaires s’étaient déjà produites ces dernières semaines.
En cas d’adoption, la loi imposera à toute ONG ou média recevant plus de 20% de son financement de l’étranger de s’enregistrer en tant qu' »organisation poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère ».
La Géorgie est secouée depuis un mois par de grandes manifestations, dont la jeunesse constitue le fer de lance. Depuis plusieurs jours, ces rassemblements se prolongent dans la nuit et les étudiants, entrés en grève, en prévoient un nouveau mardi soir.
Car en dépit des tensions, le Premier ministre géorgien Irakli Kobakhidzé a promis que le Parlement voterait mardi la loi, faisant fi des appels de la rue et des critiques formulées par les États-Unis et l’Union européenne.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a lui salué « la ferme volonté des dirigeants géorgiens de protéger leur pays contre toute ingérence flagrante dans ses affaires ».
« Renier » le progrès
« Ces gens ne nous écoutent pas », s’agaçait dans la foule Mariam Javakhichvili, manifestante de 34 ans venue avec son jeune fils.
« Ils essaient de renier les dernières 30 années » de progrès, soit le chemin parcouru depuis la chute de l’URSS, a-t-elle dit. « Je ne veux pas laisser faire cela, pour mon fils. »
« On avait 5 ans quand la guerre avec la Russie s’est produite, on en garde de mauvais souvenir d’enfance« , raconte Marta Doborianidzé, une autre manifestante âgée de 20 ans.
Alors que les forces de l’ordre ont, lors de certains rassemblements, utilisé des balles en caoutchouc et du gaz lacrymogène, le vote de mardi pourrait entraîner de nouveaux heurts.
Le gouvernement assure que sa loi vise simplement à obliger les organisations à faire preuve de davantage de « transparence » sur leurs financements. Ses détracteurs y voient la preuve d’un nouveau tour de vis, à même de condamner l’ambition de rejoindre un jour l’UE.
Dirigeant de l’ombre
La présidente géorgienne Salomé Zourabichvili, une pro-européenne en conflit ouvert avec le gouvernement, devrait mettre son veto au texte une fois voté, mais le « Rêve géorgien » assure avoir assez de voix pour passer outre.
La controverse autour de ce texte met aussi en lumière l’influence de Bidzina Ivanichvili, homme d’affaires richissime perçu comme le dirigeant de l’ombre de la Géorgie.
Cet homme, Premier ministre de 2012 à 2013 et aujourd’hui président honoraire du « Rêve géorgien », est soupçonné de proximité avec la Russie, pays où il a fait fortune.
Même s’il assure vouloir faire entrer la Géorgie dans l’UE, il a récemment fait des déclarations hostiles à l’Occident et voit les ONG comme un ennemi de l’intérieur.
Le moment est particulièrement sensible en Géorgie, où se tiendront en octobre des élections législatives vues comme un important test pour les responsables actuels.
Pour certains manifestants, le but ultime est de déloger du pouvoir le « Rêve géorgien », en place depuis 2012.
C’est ce qu’a en tête Peter, gérant d’hôtel de 27 ans n’ayant pas souhaité donner son nom de famille. « On attend le moment où on pourra choisir un nouveau gouvernement« , dit-il.
Avec AFP
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