« Il ne reste plus personne »: au Liban, des familles entières décimées par les frappes israéliennes

"Il ne reste plus personne": au Liban, des familles entières décimées par les frappes israéliennes

Crédit photo : le Devoir

Il y a deux jours, Qassem al-Qadi est sorti chercher du pain pour sa famille. Mais à son retour, sa vie entière s’était volatilisée. Un raid israélien avait frappé sa maison dans l’est du Liban, emportant en une seconde sa femme, ses enfants et leurs familles.

Sur les 17 personnes de la famille, Qassem al-Qadi, 57 ans, et son fils Hussein, soldat de l’armée libanaise, sont les seuls survivants. Ce dernier avait quitté le domicile pour rejoindre son poste avant l’attaque qui a eu lieu dimanche, selon l’agence nationale d’information Ani.

« Il était 11 heures du matin, nous étions tous assis devant la maison, puis je suis parti leur acheter du pain« , raconte à l’AFP depuis sa voiture le père désemparé, en compagnie de son fils, seul survivant.

Alors qu’il se trouvait encore à la boulangerie, il a entendu une explosion retentissante: « J’ai commencé à les appeler, puis je suis rentré… je n’ai trouvé personne, juste des gravats« .

Lorsqu’il évoque les « 17 martyrs » de sa maison, il fond en larmes. Son fils aîné, Mohammed, 38 ans, travaillait comme électricien, tandis que ses autres fils, Ali et Mahdi, travaillaient la terre et s’occupaient des troupeaux.

En évoquant ses petits-enfants, Qassem peine à prononcer leurs noms: ils étaient sept, âgés de deux ans et demi à neuf ans. Ses deux filles, Zainab et Fatima, âgées respectivement de 22 et 18 ans, étaient étudiantes à l’université.

– « Massacre » –

Maintenant, dévasté et sans abri, il se trouve contraint de dormir avec son fils dans les champs. « Je n’ai plus de domicile, je suis à la rue. Où allons-nous ? », se demande-t-il.

Hussein, lui, est submergé par le choc. En plus de sa famille, il a perdu sa fiancée, avec qui il devait se marier le 12 octobre. « Elle est partie avant moi… dans un massacre« , confie-t-il, la voix tremblante.

« En une heure, j’ai appris la nouvelle et je suis rentré… c’est une douleur inimaginable. Il y a deux heures, j’étais avec eux, et maintenant il ne reste plus personne« , dit-il encore sous le choc. « Nous nous sentions en sécurité ici, il n’y avait rien« , ajoute-t-il en référence aux positions du Hezbollah qu’Israël dit viser.

Depuis que les raids israéliens se sont intensifiés au Liban il y a plus d’une semaine, des histoires similaires se répètent, touchant les familles du sud et de l’est du pays. Selon l’Ani, au moins quatre familles ont subi le même sort la semaine dernière.

L’ONG Human Rights Watch a averti mercredi que les frappes israéliennes au Liban exposent les civils à de graves dangers.

Lama Fakih, directrice pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, a rappelé qu’ »un chef du Hezbollah, une rampe de lancement de roquettes ou toute autre installation militaire située dans une zone peuplée ne justifie pas de frapper sans considération pour les civils ».

– « Inconcevable » –

Lors d’une conférence de presse le 24 septembre, le ministre libanais de la Santé a déclaré que « la grande majorité » des victimes des bombardements intensifs visant le sud et l’est du Liban étaient des personnes non armées, chez elles.

Plus de 1.000 personnes, dont de nombreux civils, ont été tuées depuis la mi-septembre, selon les autorités libanaises.

Najah Diab a perdu dix membres de sa famille dans le village de Daoudieh, près de Saïda. Une frappe israélienne a détruit leur maison lundi.

« Ma mère, ma soeur, ma fille, mes frères, leurs épouses et leurs enfants ont été tués« , raconte-t-elle, en larmes.

Elle explique que sa mère, âgée de 75 ans, ne quittait jamais la maison, et que son frère aîné, malade, n’avait pas de travail. Son neveu, étudiant, est le seul survivant.

« Ils regardaient par la fenêtre quand la bombe est tombée. L’immeuble s’est effondré, leurs corps en morceaux. Nous avons rassemblé des débris humains« , dit-elle, abasourdie.

« Ils étaient des civils, sans lien avec aucun groupe. C’est inconcevable. »

« S’il y avait eu quelqu’un d’autre dans l’immeuble, ils ne seraient pas restés. Ils se sentaient en sécurité parce qu’ils étaient des civils, sans personne autour d’eux, et ne quittaient jamais leur maison« .

 Avec AFP