Les États-Unis s’apprêtent à porter un coup dur aux pays de la CEMAC. En réaction à la volonté des États de la CEMAC de renforcer leurs réserves extérieures en intégrant les fonds destinés à la restauration des sites miniers et pétroliers, un projet de loi a été introduit au Congrès américain.
Il vise à suspendre toute intervention des États-Unis au sein du FMI en faveur des pays de la sous-région. En toile de fond : un affrontement stratégique entre politiques monétaires africaines et intérêts économiques occidentaux.
La chambre basse du Congrès américain a enregistré, ce 25 mars 2024, un projet de loi portant sur la suspension des États-Unis d’Amérique « à toute action du Fonds monétaire international concernant les États membres de la Communauté économique monétaire de l’Afrique centrale ».
Les pays de la CEMAC épinglés par les États-Unis
Le texte de loi introduit par l’élu républicain du Michigan, Bill Huizenga, vise à contraindre le FMI à être plus regardant au sujet de la gestion des réserves extérieures des 6 pays qui constituent cette zone économique (Cameroun, Gabon, Tchad, RCA, Guinée Équatoriale, Congo).
Concrètement, le législateur américain, remet en cause la volonté des États de la région de comptabiliser dans leurs réserves de changes brutes, les provisions constituées par les compagnies pétrolières et minières pour restaurer des sites après exploitation (encore appelés Fonds RES).
En effet, dans une volonté de reconstituer leurs réserves extérieures et préserver la stabilité de leur monnaie (Franc CFA), les Chefs d’États de la CEMAC ont décidé, le 16 décembre 2024 à Yaoundé, de faire pression sur les sociétés extractives pour qu’elles rapatrient les Fonds RES.
À cet effet, la BEAC, la Banque centrale régionale avait été mandatée pour signer avant le 30 avril 2025, des conventions de comptes séquestres avec ces entreprises, avec la possibilité d’imposer des sanctions à celles qui ne signeraient pas avant cette date.
Une étude réalisée un peu plus tôt par la BEAC estime que les fonds RES pourraient générer jusqu’à 6 000 milliards FCFA (9,6 milliards $) au pays de la CEMAC, ce qui représente un bon coussin de sécurité pour leurs transactions courantes.
Côté américain on estime que les Fonds RES sont « exclusivement affectés aux coûts des travaux de restauration ».
Bien plus, « ils ne répondent pas aux critères du FMI en matière de réserves de change » et leurs classification comme tel ferait perdre le contrôle à leur propriétaire. Motif : les réserves de changes sont « facilement disponibles » et « contrôlés » par les autorités monétaires du ou des pays.
« Le FMI a la responsabilité de préciser aux pays quels sont les actifs éligibles et non éligibles à comptabiliser dans les réserves de change brutes d’un pays, afin que les pays puissent élaborer des politiques financières appropriées », souligne le projet de loi.
Dans un communiqué publié ce 09 avril NJ Ayuk, le président exécutif de la Chambre Africaine de l’Énergie s’est réjoui de cette évolution indiquant qu’il s’agissait d’une étape « cruciale » pour forcer la BEAC à réformer sa politique de change.
« Nous comprenons la position du Congrès américain et, en tant que personnes qui ont toujours appelé à une approche pragmatique et sensée de ces questions, nous pensons que nous avons l’obligation de protéger les investisseurs tout en encourageant la croissance, l’emploi et les opportunités pour les pays de la CEMAC».
Le fait que cette affaire ait été porté auprès du Congrès américain, est le reflet d’un lobbying actif que les multinationales pétrolières et minières mènent contre l’application du règlement des changes depuis 2019.
On compte parmi celles-ci, les grandes entreprises américaines du secteur de l’énergie telles que Chevron, ExxonMobil, Vaalco Energy et bien d’autres. Outre les entreprises américaines, d’autres acteurs majeurs tels que TotalEnergies, Trident Energy, BW Offshore, Eni et Perenco opèrent également dans la région.