Un pays d’Afrique a mis Google au pied du mur avec une échappatoire pour le géant américain : le paiement 40,4 millions de dollars (22 milliards de francs CFA).
Le jeudi 13 novembre 2025, la Commission de la concurrence sud-africaine a en effet rendu public son rapport final sur une enquête de seize mois visant le géant californien. Le verdict tombe. Google a accepté de verser 688 millions de rands, soit 40,4 millions de dollars ou 22 milliards de francs CFA, aux médias locaux.
Cette somme doit compenser les pratiques anticoncurrentielles qui ont défavorisé la presse sud-africaine au profit des médias étrangers.
L’enquête a révélé un biais algorithmique. Les recherches Google privilégiaient systématiquement l’actualité internationale au détriment des sources locales.
Les médias sud-africains, déjà fragilisés par la chute des revenus publicitaires en ligne, se retrouvaient relégués au second plan. Leur visibilité s’effondrait. Leurs recettes publicitaires suivaient la même pente.
La Commission avait recommandé en février un versement annuel de 27 millions de dollars sur cinq ans. Google a négocié. L’accord final prévoit un paiement unique de 40,4 millions. Cette somme financera les médias nationaux, communautaires et ceux diffusant dans des langues autres que l’anglais. Le dispositif prendra la forme de licences de contenu, de subventions à l’innovation et de programmes de renforcement des capacités.
« Google introduira également de nouveaux outils pour les utilisateurs afin de privilégier les sources d’information locales, fournira une assistance technique pour améliorer les performances des sites web et partagera des données d’audience enrichies », précise le rapport de la Commission selon CB News. Ces engagements visent à corriger les biais algorithmiques qui pénalisaient les médias locaux. YouTube, filiale de Google, s’est aussi engagé à soutenir la monétisation des contenus publiés sur sa plateforme.
Parks Tau dirige le ministère du Commerce, de l’Industrie et de la Concurrence. Il a reçu le rapport final de la Commission et compte le présenter au Parlement. Cette décision peut faire l’objet d’un appel. Google dispose d’un délai pour contester les conclusions du régulateur. Bref, l’affaire pourrait rebondir devant les tribunaux.
Google a réagi par un communiqué. L’entreprise a indiqué que cet investissement s’inscrivait dans la continuité de son engagement envers les partenaires de l’information à travers le monde. Le groupe n’a pas précisé s’il comptait faire appel. Il a néanmoins souligné que des accords similaires avaient été conclus dans d’autres pays confrontés aux mêmes problématiques.
TikTok et Meta ont également accepté de modifier leurs pratiques. La plateforme chinoise fournira de nouveaux outils permettant aux médias d’insérer des liens dans les vidéos pour monétiser les contenus externes. Meta a pris des engagements dans le même sens. Microsoft a aussi accepté des ajustements de ses pratiques.
X fait exception. La plateforme d’Elon Musk, pourtant sud-africain d’origine, n’a conclu aucun accord avec le régulateur. La Commission lui a ordonné de mettre tous ses programmes de monétisation à la disposition des éditeurs locaux. Elle exige également l’organisation d’ateliers de formation pour les médias sud-africains. X n’a pas commenté ces injonctions.
Cette affaire s’inscrit dans un mouvement mondial. Google a signé des accords de financement similaires à Taïwan, au Canada, en Australie et aux États-Unis. Les gouvernements exercent une pression croissante pour davantage de régulation des géants technologiques. Les médias traditionnels réclament une rémunération équitable de leurs contenus repris par les plateformes numériques.
L’Union européenne a infligé à Google plus de 8 milliards d’euros d’amendes pour diverses infractions à la concurrence depuis 2017. La plus récente date de septembre 2025. Bruxelles a sanctionné le groupe à hauteur de 2,95 milliards d’euros pour abus de position dominante dans la publicité en ligne. Google a annoncé son intention de faire appel de cette décision. L’entreprise conteste systématiquement les sanctions qui lui sont infligées.
Comment seront utilisés les 22 milliards de Google en Afrique du Sud ?
L’affaire sud-africaine diffère des procédures européennes. Pretoria ne cherche pas à punir mais à compenser et à corriger. Les 22 milliards de francs CFA ou les 40 millions de dollars ne constituent pas une amende mais un fonds de soutien. Le régulateur veut restaurer l’équilibre entre médias locaux et internationaux dans les résultats de recherche. Cette approche pragmatique pourrait inspirer d’autres pays africains confrontés aux mêmes défis.
Le secteur médiatique sud-africain traverse une crise profonde. Plusieurs titres ont fermé ces dernières années. Les effectifs rédactionnels fondent. Les revenus publicitaires migrent vers les plateformes numériques qui captent l’essentiel des recettes sans produire de contenu. Les médias locaux produisent l’information. Google et les autres plateformes en profitent sans les rémunérer correctement.
La presse sud-africaine emploie environ 8 000 journalistes. Ce chiffre a diminué de 30% depuis 2010. Les salaires stagnent. Les conditions de travail se dégradent. Les 40 millions de dollars devraient permettre de ralentir cette hémorragie. Enfin, ils offriront un répit aux rédactions qui pourront investir dans la formation, les équipements et l’innovation.
Le rapport de la Commission couvre 122 pages. Il détaille les mécanismes par lesquels Google favorisait ses propres services et ceux des médias internationaux. Les algorithmes de référencement pénalisaient systématiquement les sites sud-africains. Cette discrimination technique produisait des effets économiques dévastateurs pour les médias locaux qui voyaient leur audience et leurs revenus s’effondrer.
Google a investi plus d’un milliard de dollars en Afrique depuis 2021. Ces investissements visent principalement les infrastructures de connectivité, notamment les câbles sous-marins Equiano et Umoja. Le groupe construit quatre centres destinés à relier ces câbles dans les principales régions du continent. Ces projets améliorent l’accès à Internet mais ne règlent pas la question de la rémunération équitable des contenus produits localement.
L’accord sud-africain crée un précédent. D’autres pays africains pourraient s’en inspirer pour négocier des arrangements similaires. Le Nigeria, le Kenya, le Ghana et l’Égypte possèdent des secteurs médiatiques importants confrontés aux mêmes problèmes. Les régulateurs de ces pays observent attentivement le dénouement de l’affaire sud-africaine.
Parks Tau a déclaré que cette décision représentait « un bon jour pour la concurrence sur les marchés numériques » selon les propos rapportés par Africaradio. Le ministre souligne que la régulation des plateformes numériques doit protéger les acteurs locaux tout en préservant l’innovation et la liberté d’entreprendre. L’équilibre reste difficile à trouver. L’Afrique du Sud trace une voie médiane entre laisser-faire et interventionnisme.
Le versement des 40 millions devrait intervenir dans les prochains mois. Une structure de gouvernance sera mise en place pour gérer ces fonds. Les bénéficiaires seront sélectionnés selon des critères transparents. La Commission veillera à ce que l’argent parvienne effectivement aux médias qui en ont besoin. Elle publiera des rapports annuels sur l’utilisation de ces sommes.
Google a déjà modifié certains aspects de son algorithme en Afrique du Sud. Les médias locaux constatent une légère amélioration de leur visibilité depuis quelques semaines. Ces ajustements techniques accompagnent l’engagement financier. Reste à voir si ces changements produiront des effets durables ou si de nouvelles négociations seront nécessaires dans quelques années.