Emmanuel Macron a répondu à la victoire historique du Rassemblement national aux Européennes ce 9 juin 2024 en annonçant la dissolution de l’Assemblée nationale, un « coup de poker » risqué pour le président, qui « veut se remettre au centre du jeu », selon des analystes.
Dissolution de l’Assemblée Nationale: « Coup de Tonnerre »
Emmanuel Macron tente « quelque chose d’extrêmement risqué. Selon toute vraisemblance le Rassemblement national, dans la foulée des européennes, peut avoir une majorité à l’Assemblée nationale et pourquoi pas une majorité absolue », estime Céline Bracq, directrice générale de l’institut de sondages Odoxa.
Elle qualifie la manoeuvre de « coup de tonnerre » autant que de « coup de poker », alors « qu’il y a une très forte volonté de la part des Français de sanctionner le président de la République ».
Le chef de l’Etat « veut se remettre au centre du jeu. Son idée, c’est de tendre un piège au RN (qui) va avoir du mal à trouver des candidats de qualité dans 577 circonscriptions », juge Luc Rouban, politologue au Cevipof (Sciences Po). « Je pense que l’idée d’Emmanuel Macron, c’est de jouer quelque chose avec la droite ».
Au risque de crédibiliser encore davantage le Rassemblement national, qui avait appelé de ses vœux cette dissolution ? « Il rend la parole de Jordan Bardella performative, mais je pense qu’il le prend aussi un peu par surprise », analyse Céline Bracq.
« En même temps, il prend un petit peu la gauche au dépourvu. Est-ce qu’il va y avoir une union de la gauche ? Et autour de qui ? Ça laisse quand même très peu de temps », poursuit la sondeuse.
Vague RN
Cette élection est marquée par un record historique pour le Rassemblement national, donné entre 31,5 et 32% des voix. « C’est désormais un vote très enraciné, très puissant, très central, très constant », insiste Rémi Lefebvre , professeur de science politique à l’Université de Lille.
Il y a eu une « dynamique de vote utile, comme le montrent les faibles scores de François-Xavier Bellamy (LR) et Marion Maréchal (Reconquête). Le RN passe de plus en plus pour le seul parti d’opposition à Emmanuel Macron », complète Luc Rouban (Sciences Po Cevipof), qui fait le lien avec une « forte droitisation de l’électorat sur l’immigration ou les questions pénales ».
Avec les 5% de Reconquête, les « forces nationalistes » atteignent près de « 40% des voix ». « La France est sans doute un des pays les plus touchés par la vague nationaliste », ajoute Pascal Perrineau (Sciences Po). Selon le politologue, « alors que la droite classique est très affaiblie, le Rassemblement national a repris le flambeau » sur le sujet de « l’identité ».
Rééquilibrage à gauche mais…
A gauche, il y a « un rééquilibrage en faveur du centre-gauche » de Raphaël Glucksmann (14%), la tête de liste du PS-Place publique donnée troisième, juste derrière la candidate macroniste Valérie Hayer, explique Pascal Perrineau.
Raphaël Glucksmann a « une belle dynamique. Mais c’est difficile de prévoir ce que deviendra son électorat, car c’est un électorat composite, des déçus d’Emmanuel Macron et des déçus de LFI. Il n’en est pas encore à reformuler une proposition sociale démocrate », met en garde son collègue Luc Rouban.
Chez LFI (9%), « évidemment que Jean-Luc Mélenchon va devoir bouger. Il risque de voir s’organiser une alliance PS-écolo contre lui », pense Rémi Lefebvre. Cet enseignant souligne le « très mauvaise score » des écologistes (autour de 5%). « Leur grosse inquiétude c’est les municipales (de 2026, ndlr). Ils ont très peur de perdre leurs grandes villes ».
2027 ? « Ce n’est pas joué »
Les autres forces politiques peuvent-elles renverser la tendance ? La dynamique du Rassemblement national lui permet-il de se voir déjà entrer à l’Elysée en 2027 ?
Avec les législatives anticipées, « il va se passer beaucoup de choses, la présidentielle c’est encore très très loin. Ce n’est pas joué », prévient Pascal Perrineau.
L’extrême droite a toutefois des raisons de se voir grimper dans les deux ans et demi à venir.
« Le Rassemblement national a encore d’énormes réserves de voix. Les milieux populaires s’abstiennent beaucoup (aux européennes), et votent beaucoup à l’extrême droite », analyse Rémi Lefebvre, professeur de science politique à l’Université de Lille.
© avec l’AFP
Retrouvez l’essentiel de l’actualité sur notre compte Tiktok.