Emmanuel Macron accueille ce mercredi 7 mai 2025 à Paris, en France, le président syrien par intérim Ahmad al-Chareh pour une première visite controversée en Occident, durant laquelle il lui demandera de s’assurer que soient jugés les responsables des « exactions » qui ternissent l’image de la coalition islamiste au pouvoir.
Le président français est vivement critiqué par la droite et l’extrême droite françaises pour l’invitation faite à cet homme au passé jihadiste, qu’il reçoit dans l’après-midi à l’Élysée avant une rare conférence de presse conjointe.
Des massacres qui ont fait 1.700 morts, majoritairement alaouites, en mars, de récents combats avec des druzes, et des sévices documentés par des ONG ont soulevé des doutes sur la capacité des nouvelles autorités — au pouvoir depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre — à contrôler certains combattants extrémistes qui leur sont affiliés.
Le Collectif franco-alaouite, qui accuse Ahmad al-Chareh « de génocide et de nettoyage ethnique », appelle à manifester à 14H00 (12H00 GMT) à Paris.
« Stupeur et consternation » face à cette visite, a réagi la cheffe de file de l’extrême droite française Marine Le Pen, décrivant le président syrien comme « un jihadiste passé par Daech et Al-Qaïda ».
« Le tapis rouge de l’Élysée aura la couleur du sang des victimes du terrorisme islamiste », a renchéri son allié, le très conservateur Eric Ciotti.
Le chef des députés du parti de droite Les Républicains Laurent Wauquiez a lui dénoncé « une lourde erreur », en estimant qu’« on ne reçoit pas des dirigeants qui sont d’anciens terroristes membres d’organisations qui veulent attaquer la France ».
Membre du même parti, l’ancien ministre Xavier Bertrand a au contraire estimé que « ceux qui font des reproches à Emmanuel Macron n’ont rien compris à la fonction qui est celle de chef de l’État ».
Pour Emmanuel Macron « Pas de complaisance »
L’Élysée a souligné mardi auprès de l’AFP qu’en recevant le dirigeant syrien, M. Macron espérait contribuer à accompagner dans la bonne voie la transition vers « une Syrie libre, stable, souveraine et respectueuse de toutes les composantes de la société syrienne ».
La présidence française a balayé toute « naïveté », assurant connaître « le passé » de certains dirigeants syriens et exiger qu’il n’y ait « pas de complaisance » avec les « mouvements terroristes ».
Le chef de l’État demandera donc à son invité « de faire en sorte que la lutte contre l’impunité soit une réalité » et que « les responsables d’exactions contre les civils » soient « jugés », a ajouté son entourage lors d’un échange avec la presse.
« Notre demande, c’est celle d’une protection de tous les civils, quelle que soit leur origine et quelle que soit leur religion », a-t-on insisté de même source.
L’Élysée a évoqué la « préoccupation particulièrement forte » de la France de « voir resurgir des confrontations interconfessionnelles extrêmement violentes » en Syrie, notamment avec les « massacres » d’alaouites sur le littoral syrien et les « violences à destination de la communauté druze dans le sud de Damas ».
Levée des sanctions
« Ne pas engager le dialogue avec ces autorités de transition », « ce serait être irresponsable vis-à-vis des Français et surtout ce serait tapis rouge pour Daech », a aussi estimé le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot.
Selon lui, « la lutte contre le terrorisme, la maîtrise des flux migratoires, la maîtrise des trafics de drogue », ainsi que « l’avenir du Liban » voisin, « tout cela se joue en Syrie ».
Depuis qu’elle a pris le pouvoir, la coalition islamiste tente de présenter un visage rassurant à la communauté internationale qui l’exhorte à respecter les libertés et protéger les minorités.
En jeu, la levée des sanctions imposées au pouvoir de Bachar al-Assad, qui pèsent lourdement sur l’économie du pays, exsangue après 14 années de guerre civile. Selon l’ONU, 90% des Syriens vivent sous le seuil de pauvreté.
Le président al-Chareh, longtemps chef rebelle du groupe Hayat Tahrir al-Sham issu de l’ex-branche d’Al-Qaïda en Syrie, est lui-même toujours visé par une interdiction de voyager de l’ONU. Paris a dû demander une dérogation auprès des Nations unies pour permettre sa venue.
Mais si elle a soutenu la levée de certaines sanctions sectorielles de l’Union européenne, et juge que les mesures punitives américaines « pèsent sur la capacité des autorités de transition à se lancer dans une logique de reconstruction et à attirer des investissements étrangers », la France estime que le moment n’est pas encore venu de retirer le dirigeant syrien de la liste des sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU.
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