A l’entrée d’un bidonville de Mayotte, les équipes médicales s’activent : c’est dans ce quartier majoritairement habité d’immigrés comoriens qu’ont été détectés la quasi-totalité des récents cas de choléra de ce département français de l’océan Indien, dont un mortel.
Sur 63 cas signalés depuis mi-mars, 49 sont autochtones, c’est-à-dire découlant d’une contamination interne et parmi ces 49 cas, 48 ont pour origine le quartier informel Kirson à Koungou, une commune du nord de l’île de Mayotte, restée française à l’indépendance des Comores en 1975.
Dans ce bidonville, les quelque 5.000 habitants n’ont pas l’eau courante, comme un tiers des quelque 320.000 personnes qui peuplent Mayotte, selon l’Insee.
Le Mercredi 8 mai 2024, une fillette de trois ans y est décédée de la maladie. C’est là que l’Agence régionale de santé (ARS) et la Croix-Rouge ont installé leur stand, autour duquel les enfants jouent pendant que les curieux s’approchent.
« On fait de la prévention, on explique ce qu’est le choléra et on distribue des pastilles de potabilisation de l’eau », décrit à l’AFP Kelly Chevalier Nkouka, T-shirt blanc floqué d’une croix rouge.
A quelques mètres en contrebas, une rivière d’une couleur trouble, jonchée de déchets et de tissus, sépare les habitations du quartier. Deux agents, couverts de la tête aux pieds d’une combinaison blanche, de gants et d’un masque filtrant, s’engouffrent entre des cases en tôle.
« Il y a trois suspicions de cas, nous allons désinfecter les logements », lance Asmaou Mohamed, pulvérisateur à la main.
Aux Comores voisines, où l’épidémie a démarré un mois et demi plus tôt, le bilan s’aggrave de jour en jour : 105 personnes sont décédées, selon les chiffres du ministère comorien de la Santé publiés ce vendredi 10 mai 2024.
Sur leur trajet, les agents sanitaires croisent une poignée d’enfants jouant dans la rivière. Deux garçonnets se baignent nus au milieu de trois grosses bassines remplies de vaisselle et de linge.
« On voit les mêmes scènes tous les 20 mètres », confie Julie Durand, chargée de santé de proximité à l’ARS: « Ici, l’eau de la rivière sert aussi bien pour la toilette et la lessive que pour cuisiner. Et beaucoup la boivent ».
« Le dernier moment »
Une fontaine est située à quelques centaines de mètres mais ne fonctionne que deux jours sur trois, faute de production d’eau potable suffisante et malgré la fin de la sécheresse qui a touché Mayotte en 2023.
Les équipes sanitaires qui sillonnent la zone ont fait installer une rampe d’eau depuis l’apparition des cas de choléra et tentent de faire changer les pratiques.
La maladie, qui se propage très rapidement, s’attrape essentiellement via l’eau ou les aliments contaminés. Mais malgré les conseils, les pratiquent dangereuses persistent, ce qui agace Hamed, 16 ans.
« Nous, on évite d’utiliser l’eau de la rivière parce que la situation est vraiment grave. Mais les gens s’en fichent », lance le jeune homme, assis sur un rondin de bois en regardant les enfants qui s’y baignent.
Les équipes sanitaires se déplacent aussi à domicile, dès l’apparition des premiers symptômes.
« Un binôme infirmier-médecin y distribue des antibiotiques aux proches et les vaccine. Les habitants sont très réceptifs, ils veulent tous se faire traiter », souligne Olivia Noël, arrivée en renfort à Mayotte pour l’ARS.
Parfois trop tard, regrettent les autorités. « Le vrai sujet, c’est le signalement. L’appel au 15 (numéro des urgences médicales, NDLR) est primordial dès qu’il y a des symptômes », rappelle le directeur général de l’ARS, Olivier Brahic.
Mais dans ce quartier immigré, le réflexe est loin d’être automatique. « La population n’a pas toujours de téléphone et a souvent peur des autorités. Les gens attendent le dernier moment », estime la députée (Liot) de Mayotte, Estelle Youssouffa.
Sur place, la maladie inquiète. « On ne sait pas comment cela peut évoluer. Le choléra, ça va très vite. Et chez les enfants, ça peut être fatal en quelques heures », souligne Kelly Chevalier Nkouka, de la Croix-Rouge.
En déplacement à Mayotte le jeudi 9 et vendredi 10 mai 2024, le ministre français de la Santé, Frédéric Valletoux, s’est voulu rassurant. « L’Etat est là et le sera autant qu’il faut », a-t-il assuré aux journalistes.
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