Un dernier obstacle avant d’entamer l’examen du budget: deux motions de censure contre le gouvernement de Sébastien Lecornu, l’une de LFI et l’autre du RN, ont été débattues jeudi matin et devraient être rejetées, dans un scrutin serré, faute de soutien du Parti socialiste.
Le PS a pris sa décision après avoir obtenu mardi satisfaction sur plusieurs revendications clés, dont l’annonce par le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, de la suspension de la réforme des retraites.
Cette suspension « n’est qu’un leurre, une tromperie, un subterfuge », a dénoncé la députée de La France insoumise (LFI) Aurélie Trouvé, en lançant le débat commun aux deux motions à 09H00.
« Vous tous qui avez été élus pour abroger la réforme des retraites, allez-vous vraiment vous laisser abuser par cette aumône en trompe-l’œil ? », a-t-elle lancé aux députés socialistes… dont la plupart étaient absents de l’hémicycle, tout comme ceux de la droite et du camp présidentiel.
Seuls votent en effet ceux qui sont pour la censure. A l’issue des débats, le scrutin sera ouvert pour trente minutes sur une motion, puis l’autre.
Si la gauche ne soutiendra pas la motion du Rassemblement national, celle de la France insoumise devrait recueillir les voix de l’extrême droite, ainsi que des députés écologistes et communistes.
Manqueraient alors environ une vingtaine de députés pour atteindre la majorité (289 voix) qui ferait tomber le gouvernement, tout juste nommé dimanche.
Marine Le Pen, qui a défendu dans la foulée la motion de son groupe et de ses alliés ciottistes, s’en est pris « aux partis unis par la terreur de l’élection » et a dit attendre la dissolution « avec une impatience croissante ».
En réponse, Sébastien Lecornu a appelé à « un moment de vérité entre ordre républicain et désordre », demandant aux censeurs de ne pas « prendre en otage » le budget.
– « Pas d’entourloupe » –
Mais l’orateur socialiste Laurent Baumel l’a aussitôt prévenu que la « non-censure » de son parti n’était « en aucun cas un pacte de non-censure »
Le renoncement à l’article 49.3 de la Constitution « ne vous exonère pas de votre responsabilité de faire de nouvelles concessions sur la trajectoire financière, sur la justice sociale, sur le pouvoir d’achat, si vous voulez, si nous voulons que la France ait un budget et un gouvernement à la fin de cette année », lui a-t-il lancé.
Sur la suspension de la réforme des retraites, M. Baumel a mis en garde: « Il n’y aura pas d’entourloupe ou de ruse procédurale. Vous êtes le garant qu’à la fin du processus, la suspension devienne une réalité juridique. La pérennité même de votre gouvernement est désormais liée à cet engagement ».
Cette suspension passera en effet par un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce qui implique déjà qu’il soit voté et surtout qu’ensuite les socialistes soutiennent ce texte budgétaire dans son ensemble pour qu’il soit adopté.
Or, argumentent Insoumis, écologistes et communistes, ce projet de loi comprend des mesures d’économies « inacceptables » comme le gel des prestations sociales ou le doublement des franchises médicales. Les socialistes font « le pari » que celles-ci évolueront lors du débat parlementaire.
Ces mesures font partie de l’effort budgétaire prévu par le gouvernement d’une trentaine de milliards d’euros, dont 14 milliards de nouveaux prélèvements obligatoires.
– « Quasi-unanime –
Combien de députés franchiront le pas en s’affranchissant de la consigne de leur parti?
Chez les LR, qui ont décidé de ne pas censurer « au nom de l’intérêt national de doter la France d’un budget » malgré des « désaccords importants » selon leur orateur Jean-Didier Berger, deux ou trois devraient voter la censure, selon une source interne.
« Quelques votes pour » sont également possibles chez les indépendants du groupe Liot, selon une autre source.
Chez les socialistes, le patron du parti Olivier Faure et le chef des députés Boris Vallaud ont appelé leurs troupes à s’en tenir à la ligne décidée de façon « quasi-unanime ».
Mais le député Paul Christophle a fait savoir qu’il censurerait malgré tout, faute d’engagement du gouvernement sur « la justice fiscale et le pouvoir d’achat ». Certains élus ultra-marins qui avaient prévu de censurer pourraient y renoncer suite à un courrier opportun du Premier ministre rappelant ses engagements envers ces territoires.
Si le gouvernement de Sébastien Lecornu survit, les débats autour du budget, dont le texte a été présenté en Conseil des ministres mardi, pourront enfin commencer à l’Assemblée.
La commission des Finances s’en emparera lundi, et il devrait arriver dans l’hémicycle vendredi. La bataille entre une gauche désunie, un socle commun fracturé et le RN s’annonce dantesque, dans des délais très contraints.
Avec AFP