Quelques jours seulement après la cérémonie entérinant un accord censé apporter la paix dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), le président congolais Félix Tshisekedi a accusé ce 8 décembre, le Rwanda de « vi0ler ses engagements« .
Récemment à Washington, Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame ont ratifié un accord visant à mettre fin au conflit dans l’est de la RDC. Cet accord comporte une contrepartie économique visant à assurer à l’industrie de pointe américaine un approvisionnement en minerais stratégiques dont les sous-sols congolais regorgent.
Qualifié de « miracle » par le président américain Donald Trump lors de la cérémonie de signature, cet accord conclu en juin n’a toutefois eu aucun effet sur le terrain jusqu’à présent.
« Malgré notre bonne foi et l’accord récemment entériné, force est de constater que le Rwanda viole déjà ses engagements. Au lendemain même de la signature, des unités des forces de défense du Rwanda ont conduit et appuyé des attaques à l’arme lourde« , a fustigé M. Tshisekedi dans un discours à la nation depuis Kinshasa.
Le chef de l’Etat a évoqué des « attaques à l’arme lourde » menées récemment sur plusieurs localités de l’est, région riche en ressources et frontalière du Rwanda, en proie à des conflits depuis trente ans.
Depuis une semaine, des combats opposant le groupe armé antigouvernemental M23 piloté selon des experts de l’ONU par Kigali, et l’armée congolaise (FARDC) soutenue par des milices pro-Kinshasa, se sont en effet intensifiés dans la province du Sud-Kivu, selon des sources sécuritaires à l’AFP.
« Depuis le 30 novembre et le 1er décembre, les combats se sont intensifiés et d’importants mouvements de troupes ont été signalés« , a déclaré l’une de ces sources.
Le jour-même de la cérémonie de ratification par les chefs d’Etat, d’intenses combats avaient lieu. Selon plusieurs sources locales et militaires, des bombardements ont touché ce jour-là des maisons et des écoles, les familles étant appelées en urgence à venir chercher leurs enfants pour les mettre à l’abri.
Ce 8 décembre, des affrontements ont été signalés aux abords de la localité de Luvungi, à environ 60 km au nord d’Uvira, selon des sources militaires. Des bombardements ont également touché Sange, localité à mi-chemin entre Uvira et Luvungi, toujours de sources militaires.
« Saboter »
Les combats, qui font rage désormais à une cinquantaine de km au nord de la ville d’Uvira, impliquent également plusieurs milliers de soldats burundais, en soutien à Kinshasa.
Uvira, dernière grande agglomération du Sud-Kivu à échapper au contrôle du M23, fait face au nord du lac Tanganyika à la capitale économique burundaise Bujumbura. La prise de cette cité par le M23 constituerait une menace directe aux yeux du Burundi voisin.
Au cours des derniers jours, par communiqués interposés, l’armée congolaise a déjà accusé Kigali de démontrer sur le terrain une « volonté de saboter tout accord de paix« , tandis que le M23 a condamné « l’implication du Burundi dans un conflit purement congolais« .
Le Burundi avait déployé environ 10.000 soldats en octobre 2023 dans l’est de la RDC dans le cadre d’un accord de coopération militaire. Selon plusieurs sources au sein de l’armée, des renforts ont été envoyé au cours des derniers mois, portant les troupes burundaises en RDC à entre 15.000 et 20.000 hommes.
Au moins vingt soldats burundais ont été tués dans des combats sur le sol congolais ces derniers jours, selon des sources militaires burundaises.
Le M23 contrôle depuis fin janvier Goma, capitale du Nord-Kivu voisin, ainsi que Bukavu, capitale du Sud-Kivu, depuis février. Après cette offensive d’ampleur du début d’année, qui avait laissé une armée congolaise dépassée, le front s’était relativement stabilisé depuis mars.
Le président burundais Evariste Ndayishimiye avait été parmi les premiers à mettre en garde, tout comme l’ONU, contre le risque que le conflit dans l’est de la RDC ne tourne en guerre régionale dans les Grands Lacs.
Le 7 décembre, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a déploré « de nombreux blessés et des déplacements de populations massifs » liés à la récente intensification des combats.
Témoins et ONG ont signalé l’arrivée au Burundi de civils congolais fuyant les violences. Des mouvements de population vers le Rwanda ont également été constatés par des journalistes de l’AFP sur place.
Avec AFP