En Afrique de l’Ouest, le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Togo et le Nigeria vont profiter du grand retour au pouvoir aux États-Unis de Donald Trump.
Ces États se préparent à faire face aux implications du programme économique du patron des Républicains.
Son retour à la Maison-Blanche et les politiques qu’il a annoncées pendant sa campagne, notamment en matière de dérégulation, de tarifs douaniers, de réductions d’impôts et de position sur la guerre Russie-Ukraine, auront des répercussions significatives sur les économies ouest-africaines.
Tarifs douaniers et commerce : un défi majeur pour les exportations ouest-africaines
L’AGOA, qui arrive à expiration en 2025, représente un enjeu stratégique majeur pour la région. La reconduction de cet accord sous l’administration Trump pourrait être utilisée comme un levier géopolitique, l’éligibilité des pays étant une prérogative du Président américain.
Plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest comme le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Togo et le Nigeria bénéficient actuellement de cet accord avec les États-Unis de Donald Trump.
A cela, il faut ajouter que le Nigeria figure parmi les principaux bénéficiaires grâce à ses exportations de pétrole et de produits manufacturés. La politique commerciale de Trump pourrait avoir un double impact.
D’une part, les relations avec la Chine et la Russie pourraient devenir un critère déterminant dans l’éligibilité des pays à l’AGOA, créant une pression diplomatique significative.
D’autre part, le durcissement des tarifs douaniers sur les produits chinois risque d’entraîner une redirection massive des exportations chinoises vers les marchés émergents, dont l’Afrique de l’Ouest. Cette situation pourrait fragiliser les industries locales naissantes et compromettre les efforts d’industrialisation régionale.
Impact sur le secteur énergétique régional
L’impact sur le secteur énergétique régional devrait être contrasté. La promesse d’un « âge d’or pour le pétrole » à travers une dérégulation massive du secteur énergétique américain aurait des répercussions significatives pour le Nigeria, premier producteur pétrolier de la région. Une baisse des prix mondiaux du pétrole affecterait directement ses recettes d’exportation et son budget national, avec des conséquences probables sur la valeur du Naira, déjà sous pression.
Cette situation pourrait exacerber les tensions économiques existantes et réduire la capacité d’investissement public du pays. Les nouveaux acteurs du secteur énergétique régional seraient également concernés.
Le Sénégal et la Côte d’Ivoire, qui développent actuellement d’importants projets gaziers et pétroliers, pourraient voir la rentabilité de leurs investissements affectée. Le Ghana, avec ses ambitions pétrolières croissantes, devrait également revoir ses projections de revenus.
Paradoxalement, les pays importateurs nets de pétrole de la région comme le Burkina Faso, le Mali et le Togo pourraient bénéficier d’une baisse des prix énergétiques. Cette situation leur permettrait de réduire leurs factures d’importation et potentiellement d’alléger le poids des subventions aux carburants sur leurs budgets nationaux.
Investissements et flux financiers
La dérégulation financière et la réduction proposée du taux d’imposition des sociétés aux États-Unis pourraient affecter significativement les flux d’investissements vers l’Afrique de l’Ouest.
Les projets d’infrastructure, piliers du développement régional, risquent de faire face à une concurrence accrue pour attirer les investissements directs étrangers, les investisseurs pouvant être tentés de rediriger leurs capitaux vers le marché américain devenu plus attractif. Cette réorientation potentielle des flux financiers pourrait particulièrement affecter les monnaies des pays hors zone UEMOA.
Le Naira nigérian et le Cedi ghanéen pourraient connaître une volatilité accrue face au dollar américain, compliquant davantage la gestion de la dette extérieure et le financement des importations de ces pays.
Néanmoins, la stabilité monétaire de la zone UEMOA, garantie par l’arrimage du franc CFA à l’euro, pourrait offrir un certain degré de protection contre la volatilité financière. Cette stabilité pourrait constituer un atout pour les pays membres dans leur quête d’investissements alternatifs et dans la préservation de leur attractivité financière.
Sécurité alimentaire et prix des matières premières
La position de Trump sur le conflit russo-ukrainien pourrait avoir des implications majeures pour la sécurité alimentaire régionale. En tant que grand importateur de céréales de la région, le Nigeria pourrait voir sa facture alimentaire diminuer si les prix des denrées de base se stabilisent sur les marchés mondiaux.
La situation pourrait également s’améliorer pour le marché du riz, particulièrement important en Afrique de l’Ouest, avec la levée des restrictions sur les exportations par l’Inde, premier exportateur mondial.
Cette décision pourrait contribuer à stabiliser les prix et sécuriser l’approvisionnement pour les grands pays consommateurs de la région. Cette stabilisation potentielle des prix pourrait participer à la réduction des pressions inflationnistes sur les produits alimentaires, un enjeu crucial particulièrement pour le Nigeria et le Ghana, où l’inflation alimentaire a atteint des niveaux préoccupants.
Une éventuelle détente dans les relations avec la Russie pourrait également faciliter l’accès aux engrais et faire baisser leurs prix, la Russie étant un exportateur majeur d’engrais et de matières premières nécessaires à leur fabrication. Cette situation serait particulièrement bénéfique pour les grands pays producteurs agricoles comme la Côte d’Ivoire, le Mali et le Burkina Faso, où l’agriculture joue un rôle central dans l’économie.
La réduction des coûts des intrants agricoles pourrait ainsi contribuer à une meilleure résilience du secteur agricole ouest-africain, notamment pour des pays comme le Nigeria qui cherche à réduire sa dépendance aux importations alimentaires à travers sa politique d’autosuffisance.
Financement climatique : un défi majeur pour la résilience régionale
Le retour de Trump à la présidence soulève de sérieuses inquiétudes concernant la lutte contre le changement climatique en Afrique de l’Ouest, l’une des régions les plus vulnérables au monde face aux changements climatiques.
Le précédent de son premier mandat, marqué par le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat, laisse présager une nouvelle période de désengagement américain.
Sa position sceptique sur le changement climatique et sa volonté de réduire les engagements américains dans ce domaine pourraient remettre en question les 11,4 milliards de dollars promis par l’administration Biden pour l’action climatique globale.