Alors que l’Espagne exportait encore massivement du bétail vers le Maroc en début d’année, une mutation rapide s’opère : 16 000 veaux venant du Brésil ont été importés par le royaume chérifien en l’espace de trois semaines, signe d’un basculement qui préoccupe vivement les éleveurs européens.
Le Brésil, en tête de pont du bloc commercial du Mercosur, semble désormais capable de concurrencer frontalement les exportateurs traditionnels sur les marchés maghrébins, même sans bénéficier encore des avantages d’un accord de libre-échange avec l’Union européenne.
Le choix des importateurs marocains s’explique notamment par l’envolée des prix de la viande bovine en Espagne, qui rend les alternatives sud-américaines plus attractives malgré les frais logistiques plus élevés.
Pour certains, ces coûts additionnels sont compensés par un prix d’achat initial plus bas et des contraintes réglementaires moindres côté Mercosur.
Une situation qui, selon des responsables agricoles espagnols, crée un déséquilibre compétitif d’autant plus inquiétant que l’accord entre l’UE et le Mercosur n’est même pas encore entré en vigueur.
La crainte exprimée par les éleveurs espagnols est double : voir leurs parts de marché s’effriter dans des pays historiquement clients, et anticiper un effet domino sur d’autres régions, y compris au sein même de l’Europe.
Pour eux, le Maroc, l’Algérie ou encore l’Égypte, traditionnellement tournés vers l’Espagne pour leur approvisionnement en bétail, sont aujourd’hui de plus en plus séduits par les offres venues d’Amérique du Sud, notamment du Brésil.
Au-delà de la seule question des prix, la concurrence est perçue comme inéquitable. L’Espagne invoque un environnement de production strictement encadré sur les plans sanitaire, fiscal et social, là où les membres du Mercosur sont soumis à des obligations moindres.
Cette disparité alimente le sentiment d’injustice chez les éleveurs européens, qui appellent les autorités à diversifier les débouchés à l’export pour éviter une crise prolongée dans le secteur bovin.